Combien coûtent les palais de la République ?
On l’oublie souvent mais, hormis le ministère de l’Economie, la plupart des lieux de pouvoirs politiques d’aujourd’hui étaient auparavant les résidences des personnages les plus influents de l’Ancien régime. Les Français ne s’y sont pas trompés et ils ont vite fait de les appeler les « Palais de la République ».
Les hommes politiques vantent, eux, plutôt en privé, les délices de leurs cuisines, le confort de travail qu’ils procurent et le raffinement luxueux qu’ils offrent.
Mais combien coûtent-ils vraiment aux contribuables ? Frais de réceptions, fleurs, personnel, logements de fonction, résidence secondaire… voici ce que coûtent réellement le palais des plus grandes institutions républicaines, de l’Elysée à la Place Beauvau et au Sénat en passant par le Conseil Constitutionnel.
Le Palais Bourbon (Assemblée nationale) : 533,9 millions d’euros
Pour la quatrième année consécutive, l’Etat versera 533,9 millions d’euros au budget de l’Assemblée nationale. Le Palais Bourbon devra donc piocher 8,83 millions d’euros dans ses réserves pour parvenir à l’équilibre en 2011. Sur ce montant, les charges de représentation (traiteurs, fleurs…) sont estimées à 6,1 millions d’euros.
Une paille par rapport au plus gros poste de dépenses que sont les charges de personnel : comptez 171,6 millions d’euros pour les seuls salariés de l’Assemblée nationale. Ajoutez 50,3 millions d’euros d’indemnités parlementaires et 159,5 millions d’euros de charges de secrétariats des parlementaires, et vous aurez la destination de 88,9% des crédits alloués au Palais Bourbon.
Si l’on considère les seules charges parlementaires (dont des charges de personnel), c’est une facture de 291,8 millions d’euros qu’il faut régler, dont 7,52 millions pour les frais de voyages et de déplacements, 3,4 millions en communication, 1,6 million en équipement informatique et 3 millions en transports parisiens.
Le Palais du Luxembourg (Sénat) : 315,7 millions d’euros
A l’instar du budget de l’Assemblée nationale, la dotation de l’Etat au budget du Sénat est gelée depuis quatre ans à 315,7 millions d’euros. Du coup, elle aussi pioche 18,5 millions d’euros dans ses réserves pour parvenir à l’équilibre.
Les achats de biens et fournitures pèsent pour 7,3 millions d’euros et les services extérieurs pour 35,9 millions d’euros. Là aussi, le plus gros poste de dépenses concerne les charges de personnel : 122,4 millions d’euros pour les salariés du Palais du Luxembourg auxquels il faut ajouter les 35,9 millions d’euros d’indemnités parlementaires. A noter que si les rémunérations du personnel titulaire (96,8 millions d’euros) baissent, les crédits prévus pour le personnel contractuel (5,5 millions d’euros), eux, augmentent. Les aides aux sénateurs dans l’exercice de leurs mandats représentent 105,5 millions d’euros, dont 62,2 millions servent à rémunérer leurs assistants et 1,1 million à les équiper en bureautique.
L’Elysée : 112,3 millions d’euros
En 2011, la Présidence de la République a réclamé 112,3 millions d’euros aux parlementaires pour son budget. Une exigence stable par rapport à 2010. Sur cette somme, 20,85 millions d’euros couvrent les charges de fonctionnement, c’est-à-dire, l’électricité, le téléphone, l’entretien et les frais de réceptions. La renégociation de quelques contrats aurait d’ailleurs permis de faire baisser les dépenses de traiteur de 10% et de fleuristes de 15%. Il faut dire que la décoration florale dans les bureaux de collaborateurs a été supprimée et que les boissons ne sont plus mises à disposition.
Les charges de personnel représentent, elles, 67 millions d’euros dont 50,2 millions serviront à rembourser les rémunérations des fonctionnaires mis à disposition, 8,2 millions au paiement des contractuels et 1,5 million a régler les heures supplémentaires. Pour mémoire, l’Elysée emploie 929 personnes dont 124 contractuels. Par ailleurs 20,72 millions d’euros seront consacrées aux déplacements.
L’Hôtel de Matignon : 13,2 millions d’euros au minimum
Au contraire de la présidence de la République, il n’existe pas de budget pour le Premier ministre. Impossible de connaître précisément les dépenses de fonctionnement de l’hôtel de Matignon.
Tout juste sait-on que François Fillon dispose d’un appartement de sept pièces pour une surface totale de 309,72 m2, pièces de réception comprises et dont la partie strictement privative est de 213,73 m2. Si aucun agent n’est spécialement affecté au fonctionnement du logement, il existe un service d’intendance de 28 agents à l’hôtel de Matignon dont la masse salariale représente 0,6 million d’euros par an. Par ailleurs, 416 personnes travaillaient à Matignon en 2008, ce qui représentait une masse salariale de 5 millions d’euros. Il faut y ajouter celle des collaborateurs de son cabinet (62 personnes) qui elle représentait 5,1 millions d’euros. Au total, les charges de personnel peuvent donc être estimées à 10,1 millions d’euros. Enfin, les frais d’intendance s’élevaient en 2007 à 3,1 millions d’euros.
Le Palais Royal (Conseil Constitutionnel) : 11,1 millions d’euros
La mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité est en train de bouleverser le budget annuel des 11 sages du Palais Royal. En effet, si la dotation de l’Etat reste stable (11,1 millions d’euros en 2011), la somme consacrée aux opérations dites courantes est en hausse de 5,3%, à 7,6 millions d’euros
En effet la fameuse QPC oblige le Conseil Constitutionnel à renforcer ses effectifs avec l’embauche de 6 personnes supplémentaires (0,26 millions d’euros).
Par ailleurs, l’aménagement de la nouvelle salle d’audience va coûter très cher : 1,65 million d’euros auxquels il faut ajouter des dépenses permettant la retransmission des séances dans la salle du public. Enfin, l’ascenseur va être remplacé pour 220 000 euros.
Le quai d’Orsay (Affaires étrangères) : 3,2 millions d’euros au minimum
Dans une réponse ministérielle de 2009, le ministère des Affaires étrangères indiquait que « le montant global des frais de fonctionnement de l’hôtel du ministre des affaires étrangères et européennes » s’élevait en 2007 à 3,25 millions d’euros. Sur cette somme, 2,7 millions ont été consacrés aux réceptions, 318 000 aux réceptions officielles et 194 000 pour les frais d’interprétation. Dans une autre réponse ministérielle, de 2010 cette fois-ci, on apprenait que les frais de restauration du ministre s’étaient élevés à 573 026 euros en 2009.
A noter que le ministre peut disposer d’un logement de fonction au quai d’Orsay. Et si ce logement ne lui convient pas, il lui reste le château de la Celle (78) dont le donateur souhaitait expressément qu’il ne soit « utilisé que par le ministre des Affaires étrangères lui-même, sa famille, ses invités personnels ou officiels, sans pouvoir être affectés à aucun autre usage ».
L’hôtel de Brienne (Défense) : plus de 500 000 euros
Les bureaux du ministre de la Défense sont installés dans le magnifique hôtel de Brienne, rue Saint-Dominique, à Paris. Son budget de fonctionnement est inconnu. Mais dans une réponse ministérielle de 2011, on apprend que le montant des frais de représentation du cabinet du ministre de la défense s’est élevé en 2009 à 389 000 euros, dont 334 000 de frais de restauration.
Au sein de l’hôtel, un appartement de fonction est mis à la disposition du ministre. Il s’agit d’un six pièces de 195 m2 d’une valeur locative de 4 496 euros par mois. 2,5 personnes en équivalents temps plein y sont affectées. Mais ce personnel est également employé à l’organisation des réceptions officielles. Par ailleurs, le coût du pool automobile dédié au ministre et à son cabinet s’élève à 111 000 euros par an. Ce pool emploie 23 conducteurs. Enfin 67 équivalents temps plein de la garde républicaine surveillent toute l’année les abords de l’hôtel.
L’hôtel de Rochechouart (Education) : 2,3 millions d’euros au minimum
D’un aspect extérieur austère, l’hôtel de Rochechouart, rue de Grenelle, a séduit par la beauté de ses salons la plupart des ministres de l’Education nationale qui s’y sont succédé. Si son budget de fonctionnement n’est pas connu, une réponse ministérielle de 2011 nous apprend que les frais de représentation s’étaient élevés en 2009 à 392 438 euros. Une somme qui couvre tous les dépenses des délégations aux ambassades lors des déplacements à l’étranger, les frais liés aux réceptions, les locations de matériels et l’accueil de personnalités.
A noter que le ministre peut disposer d’un logement de fonction qui se compose de salons de réception, d’un appartement et de chambres de service. Sa valeur locative est estimée à 13 920 euros. Le seul appartement comprend 6 pièces et mesure 114 m2. Aucun fonctionnaire n’y est affecté. Par ailleurs les charges de personnel employé à l’hôtel de Rochechouart étaient évaluées à 1,9 million d’euros en 2007.
L’hôtel de Beauvau (Intérieur) : 11,5 millions d’euros au minimum
On l’appelle Place Beauvau, mais en réalité les locaux du ministère de l’Intérieur sont eux aussi situés dans un prestigieux hôtel particulier parisien… l’Hôtel Beauvau. Comme pour la plupart des ministères, il n’y a pas de budget directement imputé au coût de fonctionnement du palais. Mais une réponse du ministère à une question de René Dosière en 2009 nous apprend que le montant des frais de représentation sur la période de mai à décembre 2007 était de 598 690 euros. Sur une année, elles peuvent donc potentiellement représenter plus d’un million d’euros.
Le ministre dispose également d’un appartement privatif d’une surface de 117 m2 répartie sur cinq pièces. Le service y doit être de qualité puisque ce ne sont pas moins de 20 agents qui sont affectés à ce logement… dont 5 fonctionnaires, 1 militaire et 14 contractuels. Coût annuel ? 665 000 euros au bas mot. Le cabinet du ministre est lui aussi très fourni. Avec 212 agents il représente une charge de personnel annuelle de 10,4 millions d’euros.
L’hôtel de Bourvallais (Justice) : plus de 70 000 euros
Le ministère de la Justice se situe sur la très emblématique place Vendôme, à Paris. Là encore c’est un vieil hôtel particulier, l’hôtel de Bourvallais qui tient lieu de siège pour le garde des Sceaux. Pas de budget global ici non plus, mais quelques bribes d’informations lâchées par les ministres successifs au fil de plusieurs questions de parlementaires.
Ainsi, les frais de représentation du cabinet du garde des sceaux, pour l’intégralité de l’année 2009, se sont élevés à 25 724 euros et les frais de restauration à 45 162 euros.
Question logement, le ministre peut utiliser un appartement de fonction situé au 1er étage de l’hôtel particulier. Il est composé de 3 pièces : un salon de 46 m2, une chambre à coucher de 24 m2, un bureau bibliothèque de 20 m2, une salle de bain de 12 m2 et une buanderie de 25 m2. Un fonctionnaire assure en sus de sa mission d’intendance au profit du cabinet, l’entretien et le fonctionnement des appartements de réception.
Bercy (Economie) : 3,2 millions d’euros au minimum
Sous ses allures austères et minérales, le ministère de l’Economie a semble-t-il un petit côté douillet. En effet, Christine Lagarde profite parfois d’un appartement de fonction mis à sa disposition dont la valeur locative est estimée à 6 066 euros mensuels. Pour l’entretenir, elle partage deux femmes de chambre avec le ministre du Budget. Elle dispose aussi de deux cuisiniers et deux maîtres d’hôtel qui assurent la restauration de l’ensemble de son cabinet. Coût annuel ? 292 360 euros en charge de personnel.
Autre poste de dépenses important, les frais de représentation. Ils se sont élevés à 171 876 euros en 2009, dont 144 400 en restauration. Ils couvren aussi bien les cocktails à l’hôtel des ministres que la décoration florale ou l’accueil de personnalités aux aéroports. L’entretien du parc automobile de son cabinet est lui estimé à 123 000 euros par an. Enfin, la masse salariale des collaborateurs représente un montant annuel de l’ordre de 2,8 millions d’euros.
Château de Souzy-la-Briche : 235 000 euros
C’est dans cette jolie propriété située dans l’Essonne que François Mitterrand aimait à passer des week-ends avec sa famille. Résidence présidentielle depuis le legs d’un riche banquier en 1972, le coût de cette demeure pour le contribuable demeurait un mystère. Et c’est au détour du projet de loi de finances de 2011 qu’on l’apprend.
En effet, la présidence de la République cherche à se débarrasser de la demeure. C’est chose faite depuis cette année. C’est désormais le ministère de la Culture qui a le bâtiment à sa charge. A ce titre, le budget de l’Elysée a été diminué en 2011 d’un montant de 235 000 euros. Une somme qui couvre à la fois les charges en personnel et en fonctionnement. La même opération réalisée l’année précédente avec les châteaux de Rambouillet et de Marly-le-Roi avaient renseigné de la même façon le coût annuels de ces deux palais : 1,15 million d’euros.
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