Y’en a marre du triple A
Posté par ippolito le 14 janvier 2012
La triple A est perdu ? Et alors ?
La dégradation de la note pourrait coûter 15 milliards d’euros au budget de la France. Mais faut-il se battre à tous prix pour récupérer la note d’excellence, et tous els moyens sont-ils bons ?
L‘agence Standard & Poor’s a donc fait tomber le verdict qui n’étonne plus personne, à force d’être attendu : plus de Triple A pour la dette publique française. La France est éjectée du club fermé (16 pays dans le monde, dont 6 en Europe jusqu’à ce vendredi 13 janvier).
Quelles en seront les conséquences ? Difficile à évaluer. Etre triple A, c’est à dire avoir la meilleure note, permettrait d’obtenir le plus faible taux d’intérêt pour les emprunts publics. La perte devrait logiquement entrainer une augmentation des taux. Mais dès avant la décision de S&P, l’Allemagne empruntait à 1,85% par an pour une obligation à 10 ans, quant la France devait servir du 3,1%.
Jean-Michel Six avait déjà déclaré que les marchés avaient sanctionné la France au niveau d’un « triple B », ce qui n’est pas glorieux ! A Bercy, on a anticipé la dérive en pariant sur un taux moyen de 3,7% pour les émissions de dettes en 2012. « C’est un taux qui demeure historiquement bas », explique-on au ministère des Finances. Pas de péril en la demeure donc. Et on rassure : « comme nous diminuons lentement le volume de la dette émise, c’est tout à fait contrôlable ».
Pour Thomas Chalumeau, auteur d’une note de la fondation Terra Nova, le scénario possible est plus dramatique ; « une dégradation « officielle » de la note de la France, qui plus est de deux crans comme il est possible, constituerait une étape décisive d’un mouvement de réajustement à la hausse du risque français.
Ce réajustement pourrait atteindre rapidement jusqu’à 1 % d’intérêt supplémentaire (100 points de base). Dans cette hypothèse, réaliste, les taux pourraient se rapprocher, à 4 %, voire plus, des niveaux de taux appliqués à l’Espagne (5,4 %) ou à l’Italie (6,7 %). » Et là le coût de la dette prendrait une trajectoire ascendante : « L’impact de ce point d’intérêt supplémentaire sur nos charges d’intérêts annuelles serait très conséquent, et ce rapidement : de l’ordre de 2,5 à 3 milliards d’euros annuels à l’horizon de 12 à 18 mois, avant d’atteindre possiblement près de 15 milliards d’euros par an à l’horizon 2017 ans, une fois répercuté sur l’ensemble de notre stock de la dette publique, dont la maturité est proche de 5 ans. 15 milliards, soit l’équivalent de deux points de TVA, ou encore de la somme des budgets alloués au ministère de la culture, de l’agriculture, des affaires étrangères, de l’écologie et des transports… »
On va donc certainement voire fleurir les sirènes de la rigueur dans le débat politique. La tentation de « récupérer le triple A de la France » va se poser. Il y a en fait trois méthodes qui n’ont rien d’équivalentes :
1- La plongée rapide dans l’austérité. Il s’agit de rétablir les comptes publics le plus rapidement possible, sur le modèle de l’Espagne, en réduisant les dépenses, par exemple de protection sociales (on entend des voies pour désindexer les pensions de retraites…) , et en augmentant les impôts « lourds », comme la CSG et la TVA. Un point de CSG, fait revenir 20 milliards dans les caisses de l’Etat, un point de TVA (taux normal), 6,4 milliards… C’est le choix de l’ajustement sur le dos des salariés, des retraités et des chômeurs. Il faudra suivre attentivement les débats du « sommet social », le 18 janvier à l’Elysée, et regarder si une partie de la TVA « sociale » n’est pas utilisée pour réduire le déficit public…
2- Trouver un autre prêteur. Si la Grande-Bretagne, qui a à peu près autant de dette que la France et davantage de déficit, n’est pas dégradée, c’est parce que la banque d’Angleterre achètera toujours, et sans limite, les emprunts publics britanniques. Il n’y a donc aucun risque pour un investisseur anglais. Pour la France (comme pour l’Espagne et l’Italie), il faudrait que la BCE s’y mette enfin, ou qu’une institution crédible soit créée. La clé est à Berlin.
3- Imiter la Suède. En 1993, lors d’une profonde récession, la Suède a perdu sa notation, puis a mis en place de profondes réformes (services publics, droit du travail, protection sociale)… en assurant un fort consensus social et politique, au prix d’un dialogue long de plusieurs…années. Elle avait maintenu des impôts élevés et notamment mis en place un puissant fonds de réserve assurant qu’en cas de crise économique les pensions de retraites seraient honorées. Il avait fallu ensuite dix ans d’efforts pour que la dette reflue significativement (elle est cette année à 40% du PIB), et que le Royaume retrouve son AAA.
Nous sommes à trois mois du premier tour de l’élection présidentielle. Le prix à payer pour le Triple A ? Voici une bonne question pour les candidats…
http://www.marianne2.fr/La-triple-A-est-perdu-Et-alors_a214424.html
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