Sarkozy : Les derniers cadeaux aux amis avant le départ
Contrats de dernière minute accordés aux copains, nominations et recasages des conseillers aux plus beaux postes, l’ère Sarkozy se termine dans le partage du gâteau. Où nul ne veut en perdre une miette…
Seuls les initiés des milieux de la politique et de la défense ont compris de quoi il en retournait quand l’Etat a annoncé, le 16 avril, à une semaine du premier tour de la présidentielle, qu’il signerait avec Thalès un énorme contrat – d’un montant flirtant avec les 4 milliards d’euros !! – portant sur la modernisation de 33 000 postes radio tactiques de l’armée, et cela en dépit de l’opposition de Bercy.
Au ministère des Finances, certains semblaient avoir compris qu’un tel cadeau risquait de faire polémique à quelques jours d’un changement probable de régime, selon La Tribune, qui a divulgué la décision, il y a de quoi.
Car, derrière Thalès, il y a Dassault. Si l’Etat est le premier actionnaire de référence du groupe d’électronique de défense, Dassault n’est autre que son deuxième actionnaire, avec quelque 26% du capital. Pour résumer, le patron de presse-marchand d’armes profite à hauteur de 26% de ce contrat de dernière minute, ce qui lui rapportera donc un bon milliard. Pas négligeable !
Grâce au Figaro, son bras armé, Papy Dassault chérit son Sarkozy comme il a toujours bichonné la droite, et Sarko le lui rend bien. Quel magnifique cadeau d’au revoir, offert avec l’argent du contribuable, se rajoutant aux largesses octroyées par la République irréprochable et permettant au groupe de vivre grand train depuis des décennies.
L’armée a ainsi prévu d’acheter 180 rafales, l’avion dont personne ne veut à l’étranger, d’ici à 2021, voire 286 appareils au-delà de cette date : soit 40,6 milliards d’euros, financés aux trois-quarts par des fonds publics. La loi de programmation militaire 2009-2014 a même inscrit dans le marbre l’assurance pour Dassault de pouvoir produire, même si aucun Rafale n’est exporté, un avion par mois, afin de garantir ses usines et ses emplois. La France est une cliente en or pur les amis du pouvoir…
De la Méditerranée… à Bercy
Voilà pout Thalès et Dassault, magnifiquement gratifiés. Pour le reste, ce ne sont qu’hommes à récompense et à promouvoir dans de beaux postes, si possible bien rémunérés ou dotés d’avantages concrets. Pour les ministres ou futurs députés battus aux législatives, le gouvernement a pensé à tout : une nouvelle passerelle vers le métier d’avocat a été organisée par décret, signé le 3 avril, que personne n’avait vu venir.
Nombreux étaient déjà les politiques (de Dati à Villepin en passant par Glavany, Copé, Lefevbre, Mamère, Joxe et d’autres) à s’être reconvertis dans cette activité libérale où ils peuvent monnayer leur carnet d’adresses et leur influence en toute quiétude.
Mais, là encore, ce sera désormais plus facile. Les avocats et leurs représentants sont montés au créneau et ont déposé un recours en Conseil d’Etat pour éviter que leurs rangs se gonflent de nouveaux venus recrutés à la seule condition de justifier « de l’exercice d’une activité juridique à titre principal avec le statut de cadre pendant huit ans ».
Jour après jour, depuis quelques semaines, le Journal Officiel publie le nom de ces directeurs de cabinet ou de ces conseillers qui abandonnent leur ministre, se recasant au mieux, le plus souvent par le fait du prince. Alors que les cartons de déménagement arrivent au ministère (à Matignon, cela fait déjà trois semaine qu’ils ont été livrés), tous ne bénéficient pas de promotions éclairs et miraculeuses.
Le numéro deux de l’équipe de Wauquiez devrait ainsi reprendre le poste qu’il occupait avant d’âtre nommé au ministère de l’inoubliable ministre de l’Enseignement supérieur : directeur de Normale sup à Lyon.
Mais de nombreux autres sont traités comme des rois, c’est le moins qu’on puisse dire. La liste est longue des belles places et des fromages distribués. Ne parlons pas du jeune Grégory Canal, dont le nom apparaît dans une enquête pour tricherie électorales au sein de l’UMP Paris (Charlie du 29 juin 2011) : ce collaborateur de Fillon à Matignon vient d’être fait sous-préfet et nommé, loin des juges, directeur de cabinet du préfet de l’Aisne.
Et la semaine dernière, ce fut l’apothéose : un copain d’Henri Guaino et de l’Elysée est passé directement des rives de la Méditerranée et ses problématiques… à Bercy, intégrant d’un seul coup de plume un des corps d’élite de la haute fonction publique.
Patrick Barraquand avait fait office pendant treize mois de cheville ouvrière pour la mission interministérielle de l’Union pour la Méditerranée (UPM) un machin servant de lien avec l’organisation internationale du même nom, lancée par Sarkozy et installée à Barcelone, dont les résultats sont proches du néant.
Et le voilà nommé contrôleur général économique et financier au ministère des Finances, un poste discrétionnaire à quelque 8 000 euros par mois, primes comprises. Dans une vie précédente, cet heureux homme travaillait dans l’armement pour Eurocopter et pour Safran, notamment à Moscou.
Mais il n’y a pas que lui. Un apparatchik du Nouveau Centre, ancien homme de confiance et directeur du cabinet d’un certain Sauvadet, que personne ne connaît, mais qui est ministre de la Fonction publique, a lui aussi été intégré dans ce même corps. Des CV finalement aussi adaptés que celui de cette militante du RPR, ancienne infirmière ayant gravi les échelons jusqu’au cabinet de Christine Lagarde, qui y avait été propulsée en avril 2011.
Quand aux directeurs de cabinet, ils ont déjà envoyé valser leurs responsabilités pour prendre de nouvelles fonctions dans la haute administration publique, sans compter ceux auxquels le privé propose des ponts d’or.
Voilà le directeur du cabinet au Logement nommé patron du Port autonome de Paris, à l’âge de trente-huit ans. Celui de l’Agriculture se retrouve à la tête de l’Institut National de recherche en sciences et technologies pour l’Environnement et l’Agriculture (Irstea).
Le dircab du ministre de la Justice avait déjà récolté le magnifique fauteuil de procureur de la République de Paris, un poste particulièrement politique, et son homologue à l’Education nationale est catapulté recteur d’académie.
Quand à celui de le Défense, qui fut auparavant porte-parole de la « grande muette », le voilà nommé pour quatre ans « contrôleur général des armées en mission extraordinaire ».
Une mission cousue main et tout aussi extraordinaire que l’appétit des copains de Sarkozy à se partager les meilleurs jobs de la République.
http://resistanceinventerre.wordpress.com/2012/04/26/sarkozy-les-derniers-cadeaux-aux-amis-avant-le-depart/