Comment MAM a favorisé financièrement sa circo…
L’ex-ministre de l’Intérieur a consacré 80% de sa réserve parlementaire consacrée aux Pyrénées-Atlantiques à sa seule circonscription. Légal, mais clientéliste.
En difficulté pour se faire réélire, Michèle Alliot-Marie n’a pas apprécié que Libération parle d’un tract dans lequel la candidate UMP se vante de pratiquer le clientélisme.
MAM y indique qu’elle a pioché dans les crédits du ministère de l’Intérieur pour financer des projets locaux, singulièrement dans sa ville de Saint-Jean-de-Luz «pour un montant total de 1,6 million d’euros»… alors qu’elle a justement été ministre de l’Intérieur.
Dans un débat hier sur France 3, MAM a accusé son adversaire socialiste Sylviane Alaux (1) d’être à l’origine de la «polémique». «Je reproche à Mme Alaux d’avoir transmis des informations erronées à mon sujet au journal Libération, s’est-elle écriée. Cette politique ne me paraît pas digne du débat. Le Pays basque mérite autre chose.»
Que MAM se rassure, Sylviane Alaux n’est pas la seule personne dans le pays basque à avoir reçu ce fameux tract. Et à s’en être indignée. «Je n’ai absolument pas d’amis à Libération et je pense d’ailleurs que les journalistes sont assez grands pour se procurer des documents tous seuls», a d’ailleurs déclarée la candidate socialiste. Tous les électeurs de la 6e circonscription des Pyrénées-Atlantiques ont en fait été visés, avec le même type d’argumentaire. Libération a retrouvé des tracts équivalents adressés par la poste aux habitants de plusieurs villages de sa circo.
Ainsi, aux électeurs d’Itxassou, petit village basque de 2000 habitants, celle qui avait dû démissionner en février 2011 après avoir passé ses vacances de Noël dans une Tunisie en pleine révolution, écrit: «J’ai pu en 2008 aider au financement de l’acquisition d’un immeuble Leku Ona pour une somme de 100 000 euros, en 2010 à la construction d’une crèche pour un montant de 20 000 euros sur les crédits du ministre de l’intérieur, en 2011 à la réhabilitation d’un mur du bâtiment Athari d’un montant de 46 500 euros sur les crédits du conseil national pour le développement du sport, en 2012 pour la réhabilitation de l’association Istuarrak [en fait, l'association sportive Itsasuarrak, ndlr] d’un montant de 100 000 euros sur les crédits du ministre de l’Intérieur.»
«Toujours dans la légalité»
Concernant Cambo les Bains, commune dont le maire de centre-droit, Vincent Bru, est son suppléant dans sa bataille pour les législatives, MAM écrit: «Chez vous à Cambo les Bains, j’ai pu en 2008 aider au financement de l’acquisition de bus navette pour la société SIVOM pour une somme de 117 000 euros, l’aménagement des locaux de la mairie pour un montant de 30 000 euros, l’aménagement de la maison de santé et du thermalisme d’un montant de 60 000 euros, l’extension de la crèche d’un montant de 70 000 euros, en 20009 pour les travaux de voirie pour un montant de 100 000 euros et en 2011 rénovation de la piscine municipale pour un montant de 40 000 sur les crédits du ministre de l’Intérieur».
Dans son journal de campagne, l’ancienne ministre fait elle-même l’addition des sommes piochés dans les crédits de l’Etat. «Comme ministre et député, Michèle Alliot-Marie a aidé au financement de nombreux projets dans chaque commune, est-il écrit.
Le total pour votre circonscription s’élève à 8 295 291 euros». Et de préciser: «Le détail pour votre commune se trouve dans la lettre qui vous a été adressée personnellement par la poste».
Pour sa défense, MAM a assuré que tout cela était légal. «J’ai toujours mis tout mon poids pour soutenir financièrement toutes les communes de ma circonscription, et au-delà, a-t-elle estimé, toujours sur France 3. Et cela toujours dans la légalité. J’ai d’ailleurs apporté avec moi le rapport de la Cour des comptes qui le prouve.»
Aussi choquant que cela puisse être, c’est parfaitement exact. Le ministère de l’Intérieur dispose de fonds qui servent à des «travaux divers d’intérêt local» et sont alloués aux députés au titre de la «réserve parlementaire».
«Traitement avantageux»
Reste que MAM a été ministre de l’Intérieur durant cette législature (de 2007 à 2009), et qu’elle avait donc la haute main sur la distribution de ces crédits. D’où un soupçon de favoritisme. Mais, pour son directeur de la communication, Florimond Olive, la candidate de l’UMP n’a pas avantagé sa circonscription. «Selon un rapport de la Cour des comptes, une vingtaine de départements ont reçu plus de subventions que les Pyrénées-Atlantiques sur la période 2008-2011», assure ce proche de MAM.
Mais cet argument se retourne contre son auteur. Pour la Cour des comptes elle-même, les Pyrénées-Atlantiques ont reçu un «traitement avantageux». Le rapport note ainsi que le département a reçu 10,2 millions d’euros durant cette période, soit 3,89 euros par habitant. Et ajoute page 17 (lire le document, plus bas):
«Sur 32 départements bénéficiant en 2011 d’un apport supérieur à 1,5 fois la moyenne (soit plus de 2,89 euros par habitant), 23 ont été dans cette situation en moyenne au cours des quatre années 2008 à 2011, sans qu’aucune information ne soit donnée sur la situation financière particulière des communes de ces départements qui pourraient justifier ce traitement durablement avantageux.»
La lecture de ce rapport permet surtout de se rendre compte que la 6e circonscription, celle de MAM, a été très bien lotie. Sur les 10,2 millions versés dans le département, MAM en revendique 8,3 millions, soit 80%. Mais, après tout, rien d’étonnant: quand on revendique le clientélisme, c’est aussi qu’on l’a pratiqué à haute dose…
(1) L’inoxydable députée depuis 1986, et qui a occupé de multiples portefeuilles ministériels (Défense, Intérieur, Affaires étrangères, Justice), a perdu plus de 13 points par rapport au premier tour de 2007 dans une campagne qu’elle plaçait sous le sceau de la reconquête. Avec 35,37%, elle est talonnée par la PS Sylviane Alaux qui totalise 31,55% des voix.
http://www.liberation.fr/politiques/2012/06/15/comment-mam-a-favorise-financierement-sa-circo_826589