« Monsieur le Président de la République, c’est un électeur de gauche qui vous parle… »
Cyril Montana, écrivain, s’indigne que les indemnités représentatives de frais de mandat ne soient pas remises en cause.
Monsieur le Président de la République, c’est un électeur de gauche qui vous parle, un fils de hippies, que les parents ont toujours élevé dans une idée de progressisme et d’égalité pour tous. Un électeur qui vous félicite d’avoir mis en place une présidence normale, et remis de l’ordre dans les institutions.
Un électeur, petit-fils de résistant républicain espagnol, qui sent bien que l’ambiance dans l’Hexagone s’est apaisée depuis votre élection. Et depuis que l’on a arrêté d’attiser le rejet de l’autre en se rapprochant dangereusement d’idées intolérantes et stigmatisantes pour tenter de grappiller quelques malheureuses voix d’électeurs égarés.
Autant je suis donc soulagé par votre arrivée à la tête de notre pays, et par cette énergie que vous mettez à respecter votre programme, autant il y a un sujet qui est presque passé inaperçu, et qui ne me semble pas du tout aller dans le sens de vos engagements. Je veux ici parler des indemnités représentatives de frais de mandat (IRFM).
Je rappelle qu’il s’agit d’une somme de 6 412 euros brut mensuels (5 800 euros net environ) destinée à couvrir les frais de ces messieurs les députés, sans qu’ils soient assujettis à l’impôt sur le revenu, ni qu’ils aient à justifier de leur utilisation, ni même à en rembourser la partie qui n’aurait pas été dépensée. Totale impunité, donc.
Le Monde du 21 juillet dernier nous rappelle que ce n’est pas un socialiste, mais Charles de Courson de l’UDI (Union des démocrates et indépendants), un proche de Jean-Louis Borloo, et ce dernier qui se sont courageusement attaqués à ce privilège d’un autre temps, sans que cela ait changé quoi que ce soit à cet état de fait, puisque la commission des Finances a rejeté leur proposition de fiscaliser la part IRFM non utilisée à des fins professionnelles. Il n’y eut que trois votes favorables sur à peine vingt députés présents dans l’hémicycle…
Permettez-moi de vous dire que je pense qu’une présidence normale se doit de faire respecter par l’ensemble de ses acteurs une exemplarité absolue, surtout quand cela rejoint également votre loi de finances publiques visant l’équilibre en 2017, pour laquelle vous avez enjoint la sobriété à l’ensemble des serviteurs de l’État. Votre engagement 46 précise « que la prochaine présidence soit celle de l’impartialité de l’État, de l’intégrité des élus et du respect des contre-pouvoirs ».
Alors, expliquez-nous pourquoi les représentants du peuple seraient au-dessus des lois ? Ceux-là mêmes qui ont les mêmes droits, pourquoi n’auraient-ils pas les mêmes devoirs ? Allez-vous enfin faire cesser ces privilèges ? Que vont penser vos millions d’électeurs et d’électrices qui gagnent péniblement le smic quand ils voient que les députés gagnent l’équivalent de cinq fois plus, uniquement en frais, sans aucun compte à rendre ? Il ne s’agit pas d’un sujet anodin, mais également de pratiques inadmissibles qu’un président socialiste se doit de faire cesser au plus vite !
Et puisque les députés nous ont malheureusement montré, depuis bien longtemps, qu’ils sont incapables de se réformer quand cela touche à leurs intérêts personnels – et qui passent apparemment bien avant ceux du peuple (car ce débat revient régulièrement sur le tapis depuis des années sans que rien bouge) -, nous attendons une prise de position ferme et définitive de votre part. Il en va aussi de l’image que les Français auront de leurs politiques si ces derniers continuent d’agir de façon aussi irresponsable, comme s’il s’agissait pour eux de préserver leurs petits acquis, alors que leur mission de service public les somme de se mettre au service de leur pays et de ses habitants.
S’ils ne s’en souviennent pas, alors que notre chef de l’État tout nouvellement élu le leur rappelle par le moyen qui lui semblera le plus adapté, c’est votre rôle !
Par CYRIL MONTANA
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