Y’en a marre de la crise
Posté par ippolito le 22 août 2012
Comment cinq ans de crise ont changé l’économie
En août 2007 commençait la crise financière. Tour d’horizon des bouleversements qu’elle a entraînés.
L’euro survivra-t-il à la crise. La question reste en suspens. © AFP
C’était il y a cinq ans. Le 9 août 2007, en gelant la valorisation de ses trois fonds investis partiellement sur les crédits immobiliers américains « subprimes », BNP-Paribas signait le premier acte d’une crise qui allait se révéler la plus grave depuis la grande dépression des années trente.
« La disparition de toute transaction sur certains segments du marché de la titrisation aux États-Unis conduit à une absence de prix de référence et à une illiquidité quasi totale des actifs figurant dans les portefeuilles des fonds, quels que soient leur qualité ou leur rating », explique ce jour-là le communiqué de la banque.
La BCE doit intervenir le jour même pour rétablir la confiance afin que les établissements financiers continuent à se prêter entre eux. En vacances à Saint-Malo, Jean-Claude Trichet décide par téléphone d’injecter plus de liquidités dans le système bancaire européen que lors des attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001. Cinq ans plus tard, qu’est-ce qui est sorti de cette crise ?
Irremplaçables banques centrales. C’est une des transformations majeures liées à la crise financière : les banques centrales assument désormais le rôle de dernier rempart contre la débâcle.
Pour empêcher l’effondrement du système financier international lié à la dissémination des risques des « subprimes », la BCE a abreuvé les banques de liquidités. L’Eurotower de Francfort a prêté aux établissements privés à des conditions sans cesse meilleures et sur des périodes toujours plus longues.
En novembre 2011, elle décide de servir des liquidités illimitées à un taux de 1 % sur trois ans ! Une opération renouvelée une fois en février et étendue à toutes les banques.
Au total, ce sont près de 1 000 milliards d’euros que les banques ont pu ramasser auprès de l’institution d’émission. Mais la BCE n’a pas non plus hésité à se lancer dans un programme limité de rachats de dette souveraine des pays à risque. Elle a toutefois veillé à stériliser ces actions afin de ne pas monétiser la dette des États, ce qui serait contraire à son mandat centré sur la stabilité des prix.
Le programme a été interrompu, mais les rachats pourraient bientôt reprendre sur les obligations espagnoles et italiennes si ces deux pays acceptaient de demander l’aide du FESF pour réussir leurs prochaines émissions de dette.
La Réserve fédérale américaine (FED) est allée un cran plus loin. Elle a opéré des achats massifs de dette publique nationale en faisant marcher la planche à billets pour empêcher les taux appliqués aux ménages et aux entreprises d’exploser (quantitative easing). Elle a aussi soutenu certaines catégories de crédits dans le marché de la titrisation.
Le G20 prend la main. Devant l’ampleur de la crise, les vingt économies les plus puissantes de la planète décident de faire front commun et de dessiner ensemble les solutions à apporter aux bouleversements économiques. À l’initiative de Nicolas Sarkozy et de Gordon Brown, le premier G20 se tient le 15 novembre 2008, deux mois après l’effondrement de la banque d’affaires américaine Lehman Brothers qui a mis le feu aux poudres sur les marchés.
Le G20 remplace le fameux G7-G8 pour la tenue des affaires du monde. Mais ses résultats sont mitigés, avec une lutte contre les paradis fiscaux en demi-teinte, une réglementation financière laborieuse, une réforme de la gouvernance mondiale quasi inexistante et peu d’avancées sur le système monétaire international toujours dominé par le dollar. Près de quatre ans plus tard, le G20 reste un forum de discussion, sans même un secrétariat permanent.
Les banques redescendent sur terre. Principales responsables de la crise des « subprimes », les banques doivent se soumettre à de nouvelles règles censées être applicables dans le monde entier. Celles-ci imposent aux établissements financiers de renforcer leurs fonds propres par rapport à leur volume de prêts et de réduire leur dépendance aux financements sur les marchés financiers.
En réalité, ces règles, dites de Bâle III, ne sont pas adoptées au même rythme en Europe et aux États-Unis. Et elles ne vont pas sans risque, notamment en Europe, où les entreprises sont particulièrement dépendantes du financement bancaire (on parle d’une économie « intermédiée », dans laquelle les entreprises ne se financent pas principalement sur les marchés financiers). Les banquiers estiment qu’ils vont désormais être contraints de réduire leur volume de prêts à cause des nouvelles normes prudentielles.
Les établissements français se sont notamment engagés dans un mouvement de réduction de leur bilan pour réduire leur dépendance aux liquidités, après la fuite des fonds monétaires américains, devenus réticents à leur prêter de l’argent.
Ce qui est certain, c’est que les banques ne seront plus en mesure de dégager autant de rentabilité que par le passé (jusqu’à 30 % avant la crise contre un objectif de 12 à 13 % aujourd’hui, comme dans le secteur industriel).
La dette souveraine comporte des risques. Considérées avant la crise comme un des seuls actifs sûrs, les obligations de certains États sont devenues des actifs risqués au même titre que les actions.
Depuis la restructuration de la dette grecque, la perspective de voir un État européen ne pas rembourser sa dette n’est en effet plus une hypothèse totalement farfelue.
Dans un contexte de forte aversion au risque, les obligations des États les plus fragiles sont donc délaissées, en particulier par les investisseurs anglo-saxons qui préfèrent se ruer vers la dette américaine ou anglaise, soutenue par leur banque centrale respective.
Résultat, des pays comme l’Espagne ou l’Italie ont du mal à s’endetter sur les marchés à des taux d’intérêt soutenables. Les investisseurs préfèrent se ruer sur les obligations allemandes, mais aussi françaises, quitte à accepter des taux d’intérêt négatifs sur leurs titres de dette. Mais pour combien de temps ?
Les Occidentaux doivent se désendetter. Si la crise n’a pas pour unique origine un excès de dette publique, les pays occidentaux devront tout de même s’engager dans un cycle de désendettement. Les taux d’endettement public et privé atteignent en effet un peu partout des records.
En France, l’épargne des ménages est au plus haut au moment où l’État tente de se désendetter. Ce qui pourrait bien brider la croissance pour longtemps. Le Japon a pour sa part annoncé un doublement du taux de TVA dans les prochaines années.
Quant à l’Angleterre et les États-Unis, ils pourraient atténuer les efforts liés au désendettement grâce à des taux d’intérêt réels très bas, voire négatifs, grâce aux rachats massifs d’obligations souveraines par leur banque centrale.
L’Europe doit s’unir ou mourir. La dette publique dans la zone euro est grosso modo comparable à celle du Royaume-Uni, et même inférieure à celle des États-Unis. Mais l’espace souffre en réalité plus des imperfections de la monnaie unique. La politique monétaire n’est en effet accompagnée que par un budget européen dérisoire (1 % du PIB).
Résultat, les économies de la zone euro n’ont pas convergé comme attendu lors de la création de la zone euro. Au contraire, elles divergent : l’Europe du Nord, industrielle et compétitive, s’est petit à petit détachée de l’Europe du Sud, consommatrice et de moins en moins performante.
Une dichotomie qui se retrouve aujourd’hui dans les balances commerciales avec d’un côté les pays excédentaires, comme l’Allemagne, et de l’autre les pays déficitaires, comme la Grèce et l’Espagne. C’est pourquoi les chefs d’État et de gouvernement ont promis au dernier sommet européen des 28 et 29 juin de réfléchir à une intégration budgétaire et économique accrue dans les années à venir. Un projet de long terme.
Par MARC VIGNAUD
http://www.lepoint.fr/economie/comment-cinq-ans-de-crise-ont-change-l-economie-10-08-2012-1494874_28.php
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