Hausse d’impôts : plus d’un Français sur dix concerné
Depuis la présentation du budget 2013, c’est l’élément de langage que répète à l’envi le gouvernement : « A revenu constant, neuf Français sur dix ne seront pas concernés par les augmentations de fiscalité », a d’abord affirmé le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, jeudi 27 septembre sur France 2 lors de l’émission « Des paroles et des actes ».
Le lendemain, ses ministres martelaient le message : « Neuf Français sur dix verront leur impôt sur le revenu soit baisser, soit rester stable », assurait Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, sur Europe 1. « Neuf Français sur dix ne vont pas être concernés par une augmentation d’impôts », répétait Dominique Bertinotti sur Radio classique et Public Sénat.
Les augmentations ne toucheraient que les riches…
Comment le gouvernement arrive-t-il à un tel chiffre ? Il met en avant les mesures ciblant les foyers les plus aisés. Il en est ainsi de la nouvelle tranche d’imposition à 45 % pour les revenus au-delà de 150 000 euros par an, de la fameuse taxe à 75 % pour les revenus au-delà d’un million d’euros, du plafonnement des déductions fiscales à 10 000 euros chaque année ou encore l’abaissement du plafond du quotient familial (de 2 336 euros actuellement, par an et par demi-part, à 2 000 euros).
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Au total, ces mesures concerneront environ 10 % des foyers fiscaux, d’où ce chiffre que le gouvernement ne cesse de rappeler.
… mais 16 millions de foyers sont concernés par le gel du barème de l’impôt sur le revenu
Mais l’exécutif prend soin d’écarter de son raisonnement le gel du barème de l’impôt sur le revenu. Cette décision a été prise par le gouvernement Fillon, il y a un an, pour les années 2012 et 2013. Devant les contraintes budgétaires, les socialistes ont renoncé à tenir la promesse de campagne de François Hollande, qui avait prévu d’annuler la mesure.
Les différents seuils de l’impôt sur le revenu augmentent normalement chaque année pour prendre en compte l’inflation. Le gel du barème augmente donc mécaniquement le montant de l’impôt sur le revenu pour les nombreux foyers dont les revenus ont augmenté.
Selon l’Insee, les salaires des Français ont crû de 2,2 % en 2009, de 1,8 % en 2010 et de 2,2 % en 2011. Une augmentation parfois inférieure à l’inflation (+2,3 % en 2011) mais qui aura un impact sur l’impôt sur le revenu dans un contexte de gel du barème.
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Pour limiter les effets de la mesure, les deux premières tranches du barème (celle à 0 % pour les revenus entre zéro et 5 963 euros par an, ainsi que celle à 5,5 % pour les revenus entre 5 963 et 11 896 euros annuels) ne seront pas concernées par le gel. « L’an prochain, 7,5 millions de foyers seront directement gagnants grâce à cette mesure, a affirmé Pierre Moscovici dans un entretien au Parisien publié mercredi 3 octobre. Ils resteront non imposables ou ne passeront pas de la première à la deuxième tranche. »
Au total, quelque 20 millions de foyers fiscaux ne devraient pas être concernés par le gel du barème, selon une estimation du syndicat Solidaires finances publiques, début septembre. Au contraire de quelque 16 millions d’autres, qui gagnant plus de 11 896 euros (par part) seront soumis à une hausse de l’impôt sur le revenu de près de 2 % en moyenne.
Sur France 2, Jean-Marc Ayrault avait pris ses précautions en ajoutant que « neuf Français sur dix ne seraient pas concernés par les augmentations de fiscalité à revenus constants ». Une précaution que n’a pas prise Pierre Moscovici quand il a affirmé sur Europe 1 que « neuf Français sur dix verront leur impôt sur le revenu soit baisser, soit rester stable ».
L’augmentation des taxes sur le tabac, la bière…
Si Pierre Moscovici n’a évoqué, vendredi 28 septembre, que l’impôt sur le revenu, Jean-Marc Ayrault, lui, parle des « augmentations de fiscalité », qui ne concerneraient qu’un Français sur dix « à revenus constants ».
Or les augmentations de fiscalité englobent non seulement l’impôt sur le revenu, mais également les diverses hausses de taxes, qui, elles, s’appliquent à tous les consommateurs. Par exemple, le prix du tabac a été augmenté de 6 % le 1er octobre, soit une hausse de 40 centimes d’euros par paquet de cigarettes, en moyenne. Une nouvelle hausse de 6 % du prix du tabac est prévue le 1er juillet 2013.
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Les taxes sur les bières vont elles aussi être augmentées, de 480 millions d’euros, soit environ 5 centimes le demi. Les indemnités de rupture conventionnelle seront taxées à 20 % au-delà de 72 000 euros et les retraités imposables devront payer une nouvelle contribution de 0,15 % sur leur pension. Toutes ces augmentations concernent bien plus qu’un Français sur dix, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement. Le gouvernement a cependant écarté la piste d’une augmentation généralisée de la TVA.
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Les augmentations réparties dans deux textes de lois distincts
La subtilité du message gouvernemental du « neuf Français sur dix seront épargnés » réside dans le fait que le budget 2013 est divisé en deux textes :
le projet de loi de finances, présenté vendredi, qui contient notamment les dispositions concernant l’impôt sur le revenu ;
le projet de loi de financement de la sécurité sociale, présenté lundi, qui contient les diverses augmentations de taxes évoquées ci-dessus.
Dès mardi 2 octobre, le ministre du budget, Jérôme Cahuzac, a reconnu sur RTL que le message martelé par le gouvernement ne s’appliquait qu’au PLF :
« Le projet de loi de finances concerne moins d’un Français sur dix. En revanche, il est vrai que le projet de financement de la sécurité sociale va concerner tous les Français. (…) Il serait choquant de réserver une politique de santé publique à une minorité. »
Dans Le Parisien, Pierre Moscovici dénonce mercredi « un faux procès ». « On mélange tout, la suppression des exonérations sur les heures supplémentaires votée cet été, les nouvelles taxes comportementales prévues dans le budget de la Sécurité sociale, affirme le ministre de l’économie et des finances. Si on regarde les mesures du seul projet de loi de finances pour 2013, ce sont bien neuf Français sur dix qui ne paieront pas plus d’impôt sur leurs revenus qu’en 2013. »
En plus des augmentations d’impôts et de taxes, les salariés français pourraient bientôt voir leurs salaires diminuer. D’après les informations recueillies par Le Monde, l’Elysée envisagerait d’alléger les cotisations patronales sur certains salaires en les basculant sur la contribution sociale généralisée (CSG), déduite chaque mois sur toutes les paies des salariés. Une mesure qui n’épargnera pas neuf Français sur dix.
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http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/10/03/hausse-d-impots-plus-d-un-francais-sur-dix-concerne_1769161_823448.html