Chômage : pourquoi Hollande aura du mal à tenir son pari
Selon un sondage Ifop/JDD, trois Français sur quatre ne croient pas à l’objectif présidentiel d’inverser la courbe du chômage d’ici à un an.
C’est la priorité du gouvernement. François Hollande entend « coûte que coûte » faire reculer le chômage avant la fin de l’année. Les Français apprécieraient, certes, mais ils n’y croient pas.
Seuls 25% d’entre eux pensent que l’objectif peut être atteint, selon notre sondage Ifop-JDD. Même les sympathisants socialistes baissent les bras, une majorité (53%) estimant que la cible présidentielle sera manquée.
Un scepticisme général quant aux capacités des politiques à mettre fin au mal qui ronge le pays. En janvier 2010, Nicolas Sarkozy avait annoncé une baisse du chômage.
Un sondage similaire de l’Ifop indiquait qu’environ les trois quarts des Français, déjà, ne lui faisaient pas crédit. « François Hollande ne formule pas une promesse électorale, il sait très bien qu’on ne le croira pas, il défend un objectif et oblige le gouvernement à se mobiliser comme jamais », nuance un ministre proche du chef de l’État.
Impossible pour le Président d’enfourcher un autre cheval de bataille. Le chômage, en hausse depuis dix-neuf mois, est la préoccupation première des Français.
L’inversion de sa courbe serait « la meilleure nouvelle pour 2013″, selon un autre enseignement de notre enquête. Loin devant la fin de la crise de la zone euro, et, surprise, loin devant la hausse du pouvoir d’achat. « Il y a une adéquation entre la mobilisation du gouvernement et l’attente majeure des Français », souligne Frédéric Dabi, directeur à l’Ifop.
Dans les espoirs de l’opinion, la réindustrialisation pointe en bonne position. Le thème – directement lié au chômage – semble ancré dans la réflexion des Français. En revanche, la réduction du déficit public à 3%, pourtant présentée comme une condition sine qua non au redressement du pays, est reléguée en fond de paquet cadeau.
Les ministres sont priés de faire preuve d’initiatives
Cette semaine, le gouvernement a donc marqué sa rentrée politique du sceau de la bataille pour l’emploi. Le Conseil des ministres, une réunion à l’Élysée et deux à Matignon ont donné aux caméras l’image d’un gouvernement sur le pont, sans que de nouvelles décisions soient prises.
« Il est important de tendre le ressort à ce moment de l’année et de mobiliser les ministres qui ne sont pas en première ligne, car on sait que la situation va se détériorer », explique- t-on à l’Élysée. Chacun est prié de faire assaut d’initiatives et de « se déployer », selon Jean- Marc Ayrault, pour mettre en oeuvre les mesures déjà connues. « Il est important d’avoir une plus grande solidarité sur ce sujet. La cohérence de notre action, c’est l’emploi », témoigne un participant.
Michel Sapin, ministre du Travail, compte sur les 100.000 emplois d’avenir et sur les contrats de génération, qui seront examinés à l’Assemblée nationale à partir du 15 janvier.
S’y ajoutent les autres types de contrats aidés. Sur le papier, cette politique compenserait l’évolution de la population active, près de 120.000 personnes supplémentaires étant attendues cette année sur le marché du travail (étudiants en fin de cursus, inactifs voulant retrouver un poste, etc.).
Un nombre record de demandeurs d’emploi prévu avant l’été
Mais, dans le même temps, l’économie française au point mort va inéluctablement détruire des emplois. Les prévisions sont sombres. L’Insee anticipe 75.000 pertes d’ici à juin.
Sur la base de ces projections, le nombre de chômeurs atteindrait un record absolu avant l’été, dépassant la barre historique de 3.205.300 datant de janvier 1997. « Les prochains mois vont être durs. Cela ne va pas être des petits chiffres », répète-t-on.
Le pari de François Hollande est-il impossible? Peu d’économistes y croient. L’Élysée continue néanmoins de s’appuyer sur les prévisions faites à l’automne par le régime d’assurance-chômage. Ses statisticiens voyaient la courbe s’inverser en fin d’année.
L’exécutif attend les premiers effets ’du nouveau crédit d’ impôt compétitivité-emploi. Jean-Marc Ayrault a écrit un courrier aux parlementaires, aux présidents de département, de région et aux maires des grandes villes, pour leur réexpliquer le dispositif et les inviter à le promouvoir auprès des PME.
»Cela fait trente ans que nous vivons un chômage de masse. C’est compliqué pour les citoyens d’imaginer que notre engagement sera atteint. Mais nous sommes convaincus que nos mesures vont produire des effets », assure-t-on dans son entourage.
Le gouvernement compte aussi sur la réforme des contrats de travail, dont il espère « un choc psychologique sur les embauches ». Les syndicats et le patronat se réunissent jeudi pour tenter de conclure leur négociation sur le sujet.
En l’absence d’un accord « profond et équilibré », qui serait historique, l’exécutif écrira la loi seul. Un texte serait présenté au Conseil des ministres dans la deuxième quinzaine de février et adopté dans la foulée.
»Il faut mettre le bateau France dans le sens du courant quand la vague de la croissance reviendra », explique un proche du chef de l’État.
Petite consolation pour le pouvoir, les Français sont moins nombreux à dire qu’ils souffrent de la crise. Le pessimisme reflue quelque peu. Un mystère pour les sondeurs, et sans effet sur les cotes de popularité.
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