110 euros de moins par mois : l’impact de la réforme des heures sup
Paris, le 23 janvier 2013
Monsieur le Président,
Avez-vous conscience de l’impact de votre politique sur le quotidien de millions de citoyens ? Pour chacun de mes 39 salariés en CDI à temps plein, votre politique de suppression des allégements de cotisations salariales sur les heures supplémentaires à un coût précis : 110 euros net par mois en moyenne. Je vous ai joint le détail sous forme d’un tableau.
En 2012, sur les quatre derniers mois de l’année, dans mes entreprises, un second de cuisine a perdu par exemple 811,86 euros sur sa rémunération, et un garçon de brasserie 662,09 euros !
Reportons-nous aux déclarations du ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, qui trouve cette mesure « économiquement efficace et socialement juste ».
En juillet 2012, il rétorquait à Gilles Carrez, président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale :
« Les chiffres que j’ai, moi, c’est 2,8 milliards d’euros et 9 millions de salariés, cela donne plutôt une moyenne de 300 euros par an par salarié, et pas de 500. »
Nous sommes bien loin des chiffres « officiels » communiqués. Vos projets avortés de taxe à 75% sur les revenus supérieurs à un million d’euros et de taxation des plus-values de cession d’entreprises au barème de l’impôt sur le revenu sont particulièrement restés en travers de la gorge des Français, pour la bonne raison que les salariés ont le sentiment justifié d’être les seuls à vraiment participer au redressement des comptes du pays.
40% des salariés verront leur pouvoir d’achat baisser
Il était amusant, mardi 22 janvier, d’entendre sur France Inter le ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac, marteler que « 70% de l’effort se concentre sur 20% des foyers, donc prétendre qu’il y a de l’austérité pour tous quand on connaît ce chiffre me paraît abusif ».
Cette année, avec la fin du dispositif sur les heures supplémentaires, en plus de probablement payer d’avantage d’impôts, près de 40% des salariés verront encore une fois leur pouvoir d’achat fortement baisser.
La première erreur sur ce dossier provient de votre précipitation, là où il aurait fallu du doigté. Maintenir, voire élargir le dispositif d’allégement des cotisations salariales à toutes les heures grâce au pacte de compétitivité aurait certainement permis de faire passer cette « pilule fiscale » sans encombre.
La seconde erreur, et pas la moindre, est due à la sous-estimation par votre gouvernement de la réalité du coût de cette mesure sur les salaires. Ne pas évaluer les politiques publiques avant de les mettre en place était une marque de fabrique du quinquennat précédent, je constate que de ce point de vue il n’y a pas beaucoup de changement.
Dans un très grand nombre de secteurs, comme la restauration, où le recours massif aux heures supplémentaires a toujours eu lieu, les conséquences financières pour les salariés sont dramatiques à plus d’un titre. Depuis des années, les salariés bénéficiaires des mécanismes de ce dispositif avaient organisé leur budget en fonction de ces avantages, devenus à leurs yeux des acquis.
La grogne s’installe
Suite à votre décision de supprimer sans ménagement ce volet de la loi TEPA, la grogne s’est installée dans les entreprises, où les patrons n’ont aucune difficulté à expliquer que les baisses de salaires sont la conséquence directe de votre politique peu sociale.
Si dans mes entreprises je vais compenser cette injustice en versant à mes salariés une prime exceptionnelle de compensation indexée sur leur ancienneté, cela sera loin d’être le cas partout. Croire que vous pourriez inverser la courbe du chômage avec ce genre de mesure est une fois de plus la preuve de votre méconnaissance du monde de l’entreprise.
Masses salariales
Dans ce second tableau, vous constaterez que, depuis 2008, j’ai embauché 20% de salariés de plus et augmenté ma masse salariale de 50%, preuve que ce dispositif ne m’a pas empêché de créer des emplois, ni d’augmenter mes versements de cotisations sociales. Je serais curieux de rencontrer un chef d’entreprise prêt à embaucher pour pallier à la fin du dispositif.
Monsieur le Président, si vous souhaitez éviter quelques retours de bâton mémorables lors des prochaines élections locales et de voir la grogne s’installer dans la rue, je vous recommande de trouver rapidement, avec la mise en place du Crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice), un dispositif permettant de rectifier votre maladresse sociale.
Conditionner socialement et écologiquement la distribution aux entreprises des 20 milliards d’euros du Cice témoignerait enfin d’un vrai changement de politique.
Toujours à votre disposition pour partager quelques idées autour d’un bon plat, je vous prie, monsieur le Président, de croire en l’expression de mes sentiments respectueux.
Xavier Denamur, restaurateur de la République
http://www.rue89.com/rue89-eco/2013/01/23/110-euros-de-moins-par-mois-limpact-de-la-reforme-des-heures-sup-238904