Après les hausses d’impôts, voici venu le temps des coupes budgétaires
Le manque de croissance oblige l’exécutif à revoir sa stratégie. Il prépare les esprits à des coupes sans précédent dans les dépenses.
Bruxelles met François Hollande dans une situation délicate. La Commission a beau avoir ouvert la porte à un délai supplémentaire pour réduire les déficits budgétaires à 3 %, cela ne fait que reporter une partie de l’effort d’ajustement des finances publiques à 2014.
Or, 2014 était précisément l’année à partir de laquelle l’Élysée comptait enfin récolter les fruits de sa politique de sérieux budgétaire pour pouvoir commencer à redistribuer.
Le président avait promis aux Français du sang et des larmes pendant deux ans, en 2012 et 2013, avant de leur passer de la pommade et panser leurs blessures ! De quoi envisager sereinement la fin du quinquennat et une éventuelle réélection.
Las ! Le trou de croissance anticipé par Bruxelles a rendu ce scénario caduc. De même qu’il rend très improbable l’inversion de la courbe du chômage fin 2013 (un objectif déjà décalé une première fois de quelques mois).
Sous la moyenne en 2014
L’exécutif se demande maintenant comment il va pouvoir franchir la marche budgétaire de 2014, qui devrait se révéler encore plus difficile à franchir que celle de 2013 ! Illustration :
cette année, le gouvernement tablait sur 0,8 % de croissance ; il devrait enregistrer 0,1 %, à en croire Bruxelles. Pour l’année prochaine, le chiffre inscrit dans la loi de programmation des finances publiques est de 2 % ; ce devrait plutôt être 1,2 %. Pire, alors que l’Hexagone devrait fait un peu mieux que la moyenne de la zone euro cette année, ce sera l’inverse en 2014 : Paris devrait faire un peu moins bien que ses partenaires, anticipe la Commission.
L’équation sera d’autant plus difficile à résoudre que le gouvernement a déjà utilisé jusqu’à l’excès le levier des hausses d’impôts. Jusqu’à présent « l’effort a porté aux trois quarts sur l’augmentation des prélèvements obligatoires et pour un quart sur le freinage des dépenses », relève la Cour des comptes.
Après les hausses d’impôts viennent les coupes dans les dépenses
François Hollande, dont le programme présidentiel coupait moins dans les dépenses que les programmes de Nicolas Sarkozy ou de François Bayrou, va donc devoir baisser la dépense publique comme jamais !
Le candidat socialiste prévoyait de laisser les dépenses progresser de 1 % de plus que l’inflation chaque année, celui de l’UMP de 0,4 %, quand le candidat du MoDem promettait de ne pas dépenser un euro de plus par rapport à l’année précédente (« zéro valeur », disent les spécialistes, ce qui fait baisser les dépenses, puisqu’elles ne suivent même pas l’inflation).
Le chef de l’Etat devrait aller encore plus loin que ce s’envisageait Bayrou sur les dépenses de l’État. Son ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac, a l’intention de présenter une baisse en valeur absolue en 2014 ! En clair, l’État dépensera moins de milliards en 2014 qu’en 2013, et leur valeur sera dépréciée par l’inflation. Du jamais-vu. Et surtout pas sous le quinquennat de Sarkozy.
Aux 50 milliards de maîtrise des dépenses publiques prévues initialement par le gouvernement sur l’ensemble du quinquennat, il avait déjà prévu d’ajouter 10 milliards en 2014-2015 pour financer la montée en charge du crédit impôt compétitivité emploi (CICE) décidé dans le cadre du pacte pour la compétitivité d’Ayrault.
Il faudra donc aller encore plus loin dans la baisse de dépenses. Jusqu’à quel point ? Pour l’instant, Paris veut encore croire que la Commission lui laissera un an de plus pour ramener le déficit à 3 %.
Mais le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, a laissé entendre qu’il pourrait se montrer plus exigeant, vendredi à Bruxelles. Il a parlé de revenir « nettement sous 3 % » en 2014…
À front renversé
Ironie du sort, la meilleure mouche du coche pour réduire les dépenses pourrait être… les élus socialistes eux-mêmes. La plupart d’entre eux ne veulent plus entendre parler de hausses d’impôts après le véritable coup de massue asséné en 2012-2013 (dont le contribuable ne ressent pas encore tous les effets).
»Il faut chercher partout où la dépense publique peut être réduite et faire des économies avant de se poser la question de savoir comment on fait pour avoir de nouvelles ressources », estime l’élu de Seine-et-Marne Olivier Faure, cité par l’AFP.
Idem pour le député d’Indre-et-Loire Laurent Baumel, membre du collectif de la Gauche populaire, « franchement pas d’accord pour une hausse d’impôts », qui « serait une erreur politique ». Pour en arriver là, ils ont dû entendre leurs oreilles siffler dans leur circonscription…
Mais leur ministre du Budget pourrait ne pas avoir le choix. Malgré son intention de baisser en valeur absolue les dépenses publiques, Jérôme Cahuzac n’en est pas moins à la recherche de 6 milliards de recettes nouvelles pour 2014.
Officiellement, il s’agit seulement de compenser certaines mesures fiscales « à un coup » votées pour 2013, dont le rendement est décroissant au fil du temps. Il pourrait malgré tout avoir du mal à vendre les mesures fiscales correspondantes aux élus PS, qui ont peur de braquer l’opinion.
Ceux-ci veulent soit un nouveau délai soit se concentrer sur la baisse des dépenses.
Durcir le régime de retraite pour faire des économies
À tel point que certains d’entre eux plaident pour une nouvelle réforme des retraites qui permettrait de limiter le déficit de l’assurance vieillesse sans pour autant amputer trop brutalement la consommation.
Si, à l’Élysée, on en a fait depuis longtemps « la mère des réformes », comme le président le confie au Point cette semaine, ce discours est plus inattendu dans les rangs de l’aile gauche du parti.
Et pourtant. Même Henri Emmanuelli estime qu’il faut « se poser la question de la durée de cotisation. [...] Je vois des gens qui auront passé plus de temps en retraite que dans la vie active. C’est une situation qui ne peut pas perdurer. » Un discours que ne renierait pas l’UMP !
Cela tombe bien pour le président, puisque la réforme des retraites est au centre des réformes structurelles réclamées par Bruxelles. Mais cela ne manque pas de sel quand on se souvient à quel point le PS avait ferraillé contre la réforme de Sarkozy, jugée bien plus dure que la réforme des retraites allemande. Maintenant aux affaires, il va devoir assumer une nouvelle réforme.
Par MARC VIGNAUD
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