Crise économique: Pourquoi la France est la seule à ne pas avoir une éclaircie?
La France attend patiemment son tour. Ces dernières semaines, plusieurs indicateurs sont passés au vert… mais ailleurs. Pour les Etats-Unis ou l’Allemagne, la sortie de crise n’a jamais été aussi proche.
Pendant ce temps, François Hollande doute qu’il sera possible d’inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année 2013. Et, ce mardi à Dijon, il a avoué que le déficit public allait atteindre « sans doute 3,7 % en 2013 même si nous essaierons de faire moins ». Renonçant ainsi à sa promesse de campagne.
Les grands moteurs que sont les Etats-Unis et la Chine tournent désormais à plein régime, ce qui n’était pas forcément gagné pour le premier. Si les deux géants ont encore des défis d’ampleur à affronter, dont celui de la dette pour le président Obama, le pire semble s’être derrière eux. Même le Japon, mauvais élève depuis des années, se relance et la santé budgétaire allemande fait des jaloux
LA MÉTÉO DES VOISINS
1. ETATS-UNIS : Beau temps, quelques nuages
Les nouvelles d’outre-Atlantique sont excellentes. Le chômage est au plus bas depuis décembre 2008, Wall Street a presque retrouvé ses sommets d’avant l’explosion de la crise financière, le secteur bancaire n’a jamais été aussi solide et le moral des ménages est bien remonté.
La croissance américaine a enregistré un bond en avant de 2,2%, contre 1,8% en 2011. Si cette dernière s’explique notamment par à l’action de la Réserve fédérale qui inonde le marché avec sa planche à billets, ce programme pourrait s’achever dans l’année. Il ne reste plus qu’un dossier brulant à régler du côté de Washington: réduire la dette publique.
Le gouvernement Obama va devoir légiférer, afin de relever le plafond de 16.000 milliards de dollars atteint en mars. Un subtil jeu de concessions politiques va désormais avoir lieu sur les dépenses nationales, qui pourraient subir un plan de diminution de 4000 milliards par an.
2. CHINE : Ciel bleu sur tout le pays
Lancée comme un TGV à pleine vitesse depuis le début des années 1990, la Chine a elle aussi subi les retombées de la crise financière mondiale.
Sa croissance 2012 a d’ailleurs été la plus faible enregistrée depuis 13 ans, avec un taux de 7,8%. Ça reste tout de même énorme et celle de 2013 devrait être dans les mêmes eaux.
Pékin s’est fixé un objectif de croissance « raisonnable » de 7,5% pour 2013 et compte pour cela sur une stimulation de la consommation des ménages et la transformation accélérée de son modèle économique, a déclaré le Premier ministre sortant Wen Jiabao. Toute la difficulté est de ne pas être en décalage trop important.
Il faut pour cela que le plus grand pays en voie de développement s’appuie sur l’élargissement de la demande intérieure, car « c’est dans la consommation que réside tout le potentiel ».
3. JAPON : Déclenchement du plan Orsec
Le cas japonais est indissociable du tsunami dévastateur de 2011, que l’on célébrait tristement ce 11 mars. Le pays est sorti de la récession en 2012, en enregistrant une croissance de 2%, notamment grâce à l’intensification de la reconstruction de la zone touchée par le sinistre.
La hausse des dépenses publiques est encore prévue pour 2013, grâce à une rallonge de 105 milliards d’euros, soit la deuxième plus importante de l’histoire du pays. Elle est censée entraver la déflation (baisse des prix généralisée) qui frappe l’archipel depuis une quinzaine d’années. Une relance économique qui tranche clairement avec l’austérité comptable des pays occidentaux. Et qui n’est pas sans danger.
Le Japon est à la tête d’une dette colossale qui culmine à 200% de son PIB (seul le Zimbabwe fait pire). Après avoir dévalué le yen, Tokyo compte désormais sur une reprise internationale pour doper ses exportations.
4. ALLEMAGNE : Embellie sur tout le territoire
Berlin profite d’avoir réformé son système avant l’arrivée de la crise économique. Du coup, le chômage est au plus bas depuis la réunification et la compétitivité du pays s’illustre par des exportations records. Même les salaires du secteur public ont reçu le privilège d’une hausse! Un luxe dans une Europe tournée vers l’austérité…
La santé budgétaire lui a permis d’afficher une excédent budgétaire en 2012 (0,1%), quand la plupart de ses voisins se battent pour remonter au dessus des -3%. Résultat, l’Allemagne pourrait même se passer en grande partie du financement de ses dépenses par les marchés. Un fait rarissime pour les grands pays industrialisés.
LA FRANCE SOUS LA NEIGE
Mais pourquoi diable la France peine-t-elle à entrevoir un coin de ciel bleu?
Une inertie française à l’entrée et à la sortie de crise
La force de la France constitue aussi sa principale faiblesse. En effet, l’emploi est bien mieux protégé dans l’Hexagone que chez la plupart de nos voisins de l’OCDE, grâce au légendaire CDI. Licencier est bien plus complexe en France qu’en Angleterre, aux Etats-Unis ou en Allemagne par exemple.
Cette format bien particulière de contrat joue un rôle d’amortisseur face à la crise: la France est souvent frappée par le ralentissement de l’économie bien après les autres. Ou du moins, la crise ne se traduit pas immédiatement par une hausse du chômage, ce qui ne signifie pas qu’elle n’est pas là.
Sauf que, à l’inverse, lorsque l’économie repart, les entreprises hésitent à recruter de nouveau des CDI et préfèrent attendre d’être certaines que la croissance est repartie pour de bon. Cet attentisme joue aussi un rôle de matelas, mais à la hausse cette fois, retardant le retour de la croissance.
En Allemagne, il n’a fallu que quelques mois pour négocier des conventions collectives afin de moduler les heures de travail, les salaires, ou encore la durée du chômage. La crise est passée? Les syndicats renégocient depuis quelques semaines… à la hausse.
En France, au contraire, François Hollande vient à peine de trouver un accord avec la CFDT afin d’ajouter de la flexibilité dans les contrats de travail (loi sur la sécurisation de l’emploi). Le projet de loi a été adopté il y a à peine six jours. Autant dire que d’ici à ce que la loi soit votée, les décrets parus puis mis en application dans les entreprises, il se passera de nombreux mois.
En revanche, en Allemagne, cette flexibilité a bien entendu eu des effets pervers depuis 2008, accentuant les inégalités sociales et favorisant les petits salaires et les emplois précaires, comme le soulignait récemment Jean-Marc Sylvestre sur son blog.
Une politique anti-crise peu ambitieuse par rapport aux autres
Parmi les plus grands indicateurs que sont la croissance, le chômage ou encore la santé budgétaire, la France ne parvient pas à sortir la tête de l’eau.
Que peut-elle retenir de ses voisins? Les Etats-Unis et le Japon ont fait le pari de l’endettement pour relancer la croissance et l’emploi. L’Allemagne a choisi très tôt de réformer son marché du travail et sa protection sociale, tout en s’engageant dans la réduction des déficits. Elle a ainsi évité la crise de la dette qui sévit partout.
Chacun de ces pays a fait un choix économique distinct, au péril d’un indicateur, mais dans le but de se redresser sur le moyen terme. Paris paye le choix de son inertie ou de décisions moins audacieuses que ses partenaires, qui ont pris de nombreux risques.
Le pacte de compétitivité et l’accord sur l’emploi pourront-ils relancer la croissance ou faire chuter le chômage (10,6% en février)? C’est possible, mais les effets ne se ressentiront qu’en 2014.
Au mieux. François Hollande compte inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année, un objectif jugé inatteignable par nombre d’élus et d’observateurs.
Manque de réactivité
Mais même en cas de réussite sur ce calendrier, le retard accusé sur les autres États ne constitue-t-il pas déjà un grand revers? Concernant l’assainissement budgétaire, la France n’atteindra pas le seuil des 3% du déficit public pourtant fixé au début du quinquennat.
La faible croissance (0,1% prévu en 2013) n’arrange rien et les nouvelles coupes annoncées dans les ministères ne sont qu’un élément supplémentaire de cette situation périlleuse.
La politique française n’est pas visée, mais c’est plutôt sa vitesse d’exécution qui peut être remise en cause, à l’examen des actions du Top 4 mondial.
Pour se consoler, elle pourra regarder de l’autre côté de la Manche, avec un pays qui fait aussi grise mine. Le Royaume-Uni a perdu son sacro-saint AAA le 22 février dernier, en raison de la faiblesse de ses perspectives de croissance, selon l’agence de notation Moody’s.
La zone euro qui fragilise
Au contraire des Etats-Unis, du Japon ou de la Chine, la France subit de plein fouet la crise de la zone euro. C’est d’ailleurs à cause de cela -mais aussi du niveau de sa dette- qu’elle s’est vu dégradée par Standard & Poor’s en janvier 2012, puis par Moody’s en novembre. La crise monétaire a eu pour conséquence de refroidir les investisseurs dans la zone, méfiant des risques potentiels.
Mais la présence de la France dans la zone euro ne peut être une excuse. L’Allemagne s’en tire actuellement avec les honneurs, au prix de profondes réformes structurelles entreprises au milieu des années 2000. Le gouvernement sait ce qui lui reste à faire….
http://www.huffingtonpost.fr/2013/03/11/crise-usa-chine-japon-allemagne-france_n_2853703.html?utm_hp_ref=france