Y’en a marre des impôts et des taxes et surtout de la politique fiscale du gouvernement
Posté par ippolito le 23 mars 2013
La politique fiscale du grand n’importe quoi
On en viendrait presque à croire que les dirigeants socialistes ont perdu la raison. Ou alors qu’ils se sont tous laissé submerger par la panique.
En tout cas, il ne se passe plus une semaine, presque plus un jour, sans qu’un membre du gouvernement ou une figure connue de la majorité ne sorte de sa besace un nouveau projet d’impôt ou de taxe.
Dans un formidable tohu-bohu, sans le moindre souci de cohérence, c’est une sorte d’étrange et suicidaire concours Lépine qui s’est ouvert, avec sur la table des projets innombrables, contradictoires ou bricolés à la hâte. Et tous plus inégalitaires les uns que les autres.
C’est François Hollande, le premier, qui a donné le mauvais exemple. Alors que depuis des lustres les socialistes ont toujours juré leurs grands dieux qu’on ne les prendrait jamais à relever la TVA, impôt dégressif pesant surtout sur les foyers les plus modestes, le chef de l’Etat a brisé le tabou – et a renié ses promesses de campagne – en acceptant que cet impôt soit relevé pour financer en partie le fameux «choc de compétitivité» au profit des entreprises.
Il n’en a pas fallu plus pour qu’aussitôt cela tourne à la surenchère. La TVA est alors devenue furieusement tendance. Pour combler le nouveau «trou» de 6 milliards d’euros dans les finances publiques qui se profile du fait d’une conjoncture calamiteuse, le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, le socialiste Christian Eckert, s’est ainsi cru autorisé à recommander un nouveau réaménagement des taux de TVA, avec un taux normal dépassant les 20 %.
Et, de son côté, le ministère du Budget a annoncé que, sans attendre, les travaux de petit jardinage – mesure microscopique mais révélatrice – ne profiteraient plus à compter du 1er avril du taux de TVA minoré applicable aux services à la personne.
Puis, subrepticement, sans que l’on sache toujours qui tire les ficelles, le débat a rebondi : des confidences à la presse alimentées par Bercy – les ministères des Finances et du Budget raffolent de ces petits stratagèmes – ont suggéré que le gouvernement pourrait supprimer la demi-part profitant aux contribuables ayant un étudiant à charge de moins de 25 ans.
Avant que, tout aussitôt après, l’idée ne soit abandonnée et qu’un projet encore plus sulfureux, celui d’une possible fiscalisation des prestations familiales, ne soit évoqué.
Et, pour finir, c’est un autre débat, depuis quelques jours, qui fait rage. Avec, d’un côté, la ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, soutenue par sa camarade verte en charge du Logement, Cécile Duflot, qui préconise un alourdissement de la fiscalité sur le gazole, qui «tuerait» pas loin de 40 000 personnes du fait des émissions toxiques, de particules fines notamment ;
et, de l’autre, Arnaud Montebourg qui craint une telle réforme et fait valoir qu’elle pourrait «tuer»… une industrie automobile française déjà gravement malade – raison pour laquelle l’impétueux ministre du Redressement productif privilégie une autre piste, celle d’une prime de reconversion pour les véhicules anciens à moteur Diesel, qui sont les plus polluants.
Bref, c’est le grand désordre. La confusion généralisée. Pris dans les turbulences de la crise, sans cap ni perspective de long terme, le gouvernement a pris les apparences d’une véritable pétaudière. Comme personne ne commande, ni ne semble avoir de vision stratégique, tout le monde veut y mettre son grain de sel.
Or, le plus pitoyable dans cette affaire, c’est que, si le gouvernement a effectivement été pris de court en certains domaines, cela n’a assurément pas été le cas dans celui de la fiscalité. Pour les impôts, cela a même été tout le contraire.
Au lendemain de 2002, les socialistes avaient eu le courage d’analyser leurs errements passés et de reconstruire une doctrine fiscale pour l’avenir. Avec l’aide précieuse de quelques économistes, dont Thomas Piketty, ils avaient ainsi longuement réfléchi aux contours de ce que pourrait être une nouvelle nuit du 4 août, donnant le jour à un impôt citoyen authentiquement progressif, et résultant par exemple d’une fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Et, sous la pression des verts, ils avaient aussi réfléchi à ce que pourrait être une nouvelle fiscalité écologique.
Ce travail de réflexion était pour le moins compliqué, car les logiques d’une fiscalité plus redistributive ne se marient pas toujours facilement avec celles d’une fiscalité plus écologique.
Pourtant, ce difficile exercice de synthèse, les socialistes étaient parvenus à le réaliser. Et c’est de ce projet très abouti que le candidat François Hollande était le porteur.
C’est ce qu’il y a donc de plus consternant dans la fièvre fiscale qui a soudainement gagné les sommets du pouvoir socialiste. Après avoir réfléchi durant de si longues années à ce que pourrait être une «révolution fiscale» – avec le double but de réduire les inégalités et de mieux répondre aux urgences environnementales -, la nouvelle majorité a oublié la très ambitieuse et courageuse réforme qu’elle était parvenue, dans l’opposition, à élaborer.
Un vrai gâchis ! L’une des réformes les plus audacieuses conçues par les socialistes depuis 1981 n’aura servi qu’à impulser une politique fiscale… du grand n’importe quoi !
* laurent.mauduit@mediapart.fr
http://www.marianne.net/La-politique-fiscale-du-grand-n-importe-quoi_a227376.html
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