Y’en a marre de la réforme des prestations familiales
Posté par ippolito le 9 avril 2013
Prestations familiales : de quoi parle-t-on ?
Plafonner les allocations familiales perçues par les plus aisés. Cette idée, qui faisait jadis bondir les associations familiales, est pourtant en passe d’être mise en œuvre dans un relatif consensus. Quel montant pourrait être économisé ? Qui sera concerné ? De quelles prestations parle-t-on ? Quelques éléments permettent d’y voir plus clair.
1/ QU’Y A-T-IL PRÉCISÉMENT DERRIÈRE LE TERME FOURRE-TOUT D’ »ALLOCATIONS FAMILIALES » ?
Les prestations familiales sont l’un des deux piliers de ce qu’on nomme la politique familiale. Héritée de la seconde guerre mondiale, cette politique vise à encourager et à soutenir la natalité en aidant les familles.
Fiscalement, avec le quotient familial, qui réduit le montant des impôts en fonction du nombre d’enfants, mais aussi plus directement avec des aides directes, ou « prestations familiales ».
Ce qu’on appelle parfois familièrement « les allocs », et qui comportent en fait plusieurs types de prestations, qu’on peut ranger en trois catégories :
Les prestations dites « universelles », qui sont distribuées sans conditions de ressources :
- les allocations familiales stricto sensu, qui sont une somme d’argent, fixe, versée en fonction d’un seul critère : le nombre d’enfants du foyer (128,57 euros au deuxième enfant, 293,30 euros pour trois enfants, 458,02 euros pour quatre enfants, 123 euros par enfant supplémentaire ensuite) ;
- l’allocation de soutien familial, versée aux personnes élevant seules leurs enfants lorsque l’autre conjoint s’est soustrait à ses obligations, mais aussi aux orphelins (90,40 euros par enfant à charge, 120,54 pour un enfant privé de ses parents) ;
- une partie de la Prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE, voir ci-dessous) : complément de libre choix du mode de garde ou complément de libre choix d’activité.
Les prestations soumises à conditions de ressources :
- l’allocation de rentrée scolaire, une somme (356,20 à 388,87 euros) versée aux familles modestes à chaque rentrée ;
- le complément familial, versé aux familles de trois enfants (de plus de trois ans) et plus, en fonction des revenus de la famille.
- Une partie de la PAJE (voir ci-dessous) : Prime de naissance, allocation de base
Les allocations « hybrides », pour partie sous condition :
- La prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE). Cette allocation comprend en fait plusieurs choses : La prime de naissance (sous condition de ressources), l’allocation de base (sous conditions de ressources), et, en fonction du mode de garde de l’enfant, le complément libre choix du mode de garde (assistante maternelle, nourrice, association, micro-crèche) ou le complément de libre choix d’activité si l’un des parents a réduit ou arrêté son activité professionnelle pour s’occuper de l’enfant.
2/ 61 MILLIARDS D’EUROS VERSÉS À 11,4 MILLIONS DE FOYERS
Les prestations familiales représentaient en 2011 61,927 milliards d’euros au total, versées à 11,41 million de foyers français, selon l’Insee. Mais avec des situations très différentes selon les cas.
Ce graphique présente le nombre de foyers bénéficiaires de chaque type d’allocation et leur coût. Voici tout d’abord ces données pour les prestations dites « universelles », sans conditions de ressources. On le voit, c’est l’allocation familiale qui est de loin la mesure la plus coûteuse, mais aussi celle qui bénéficie au plus grand nombre de personnes.
Et la même chose pour les allocations sous condition de ressources. C’est cette fois l’allocation de base de la PAJE qui coûte le plus cher à la collectivité.
De 2003 à 2011, les bénéficiaires de prestations familiales n’ont pas beaucoup augmenté, compte tenu de la hausse générale de la population.
La France dépense donc des sommes relativement considérables pour cette politique familiale : 61 milliards d’euros, dont 11 pour les seules allocations familiales versées sans condition de ressources, notamment. Un coût justifié par le maintien d’une natalité qui continue d’être parmi les plus fortes en Europe.
3/ L’UNIVERSALITÉ DES PRESTATIONS EN QUESTION
La plupart des prestations familiales sont, on l’a vu, soumises à des conditions de ressources. Les plafonds sont quasi tous identiques, à l’exception de l’allocation de rentrée scolaire : pour un couple avec deux revenus, 46 014 euros pour un enfant, 52 978 pour deux, 61 335 pour trois.
Ramené au mois, on parle donc de salaires-plafonds compris entre :
- pour un enfant, 2 901,58 euros pour un couple avec un seul revenu, 3 834 euros pour un couple à deux revenus ;
- pour deux enfants, 3 481,9 euros à 4 414,83 euros mensuels ;
- pour trois enfants, 4 178 à 5 111 euros mensuels.
Et 696 euros de plus par mois par enfant supplémentaire.
En 2010, une nette majorité de Français se situaient en-deçà de ces plafonds, comme le montre ce graphe, extrait de données Insee :
Mais ce qui est remis en cause, c’est avant tout les allocations non soumises au plafonnement, et en premier lieu les « allocs », ces fameuses allocations familiales que perçoit tout foyer ayant deux enfants ou plus. En 2011, elles ont bénéficié à 4,6 millions de foyers, qui se sont partagé 12,27 milliards d’euros, soit une moyenne de 222 euros par foyer bénéficiaire et par mois.
Jusqu’à une époque récente, on estimait que le caractère universel de ces prestations devait être maintenu, car elles constituaient une forme de solidarité « horizontale » : sans tenir compte des revenus, il était normal que des personnes ayant des enfants soient aidées pour compenser le surcoût lié à leur(s) progéniture(s). C’est au nom de la sauvegarde de « la politique familiale » que les associations avaient, en 1998, torpillé le bref plafonnement des allocations familiales mis en place par le gouvernement Jospin.
4/ LES SCÉNARIOS DU RAPPORT FRAGONARD
Les esprits ont changé. Et les propositions du rapport Fragonard ont été accueillies dans un consensus relatif. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil de la famille, propose en effet un système modulable, qui rendrait dégressives les allocations familiales au-delà d’un certain niveau de revenu. Il propose en fait de créer deux paliers. Au premier, les allocations deviennent dégressives. Au second, pour les personnes les plus aisées, elles sont divisées par quatre.
Prudent, M. Fragonard a élaboré quatre « scénarios » avec différents seuils de déclenchement, qui permettent de réaliser des économies plus ou moins importantes – en diminuant plus ou moins vite les allocations, évidemment.
- Le scénario le plus faible permettrait de réaliser 450 millions d’euros d’économie. Il rendrait dégressives les allocations familiales à partir de 7 296 euros mensuels de revenu pour un couple avec deux enfants, et à 8 072 euros pour trois enfants. Le seul où les allocations seraient divisées par quatre serait à 10 215 euros pour un couple avec deux enfants.
- Dans le scénario le plus dur, la réduction commencerait à 3 885 euros (couple avec deux enfants) et 4 682 euros (trois enfants), et la division par quatre de l’allocation interviendrait à 5 866 euros pour deux enfants. L’économie réalisée serait alors de 1,55 milliard d’euros par an.
Entre les deux, trois scénarios moyens, où la réduction progressive interviendrait entre 5 000 et 6 000 euros par mois, et la division par quatre entre 7 000 et 10 000 euros mensuels. L’économie générée irait de 650 millions d’euros à un milliard d’euros.
Samuel Laurent
http://www.lemonde.fr/decryptages/article/2013/04/09/prestations-familiales-pourquoi-une-reforme_3151865_1668393.html
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