Y’en a marre des détournements de subventions ministérielles de Sarkozy
Posté par ippolito le 13 avril 2013
Le Conseil d’Etat ferme les yeux sur le détournement de subventions ministérielles par Nicolas Sarkozy
Ayant quitté mes quartiers à la Chambre, je profite encore un temps de l’hospitalité de « Chambres à part ». Quoique l’histoire qui suit ne soit pas sans rapport avec l’activité parlementaire, pour son dernier épisode, elle eut pour cadre la salle du contentieux du Conseil d’Etat.
Mercredi 10 avril, donc, 16 heures, requête n° 358456, par laquelle monsieur René Dosière demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du président de la République du 14 février 2012 accordant à la commune de Donzère (Drôme) une subvention de 150 000 euros sur le budget du ministère de l’intérieur.
SARKOZY, GUÉANT, BESSON…
Resituons les acteurs. Le président de la République, à cette date, s’appelle Nicolas Sarkozy. René Dosière est député (app. PS) de l’Aisne, bien connu pour sa traque minutieuse de l’utilisation de l’argent public. Le ministre de l’intérieur est Claude Guéant mais, en l’occurrence, il ne joue qu’un rôle de figurant, oserai-je dire de passe-plat. Le maire de Donzère est Eric Besson, ex-transfuge du PS devenu ministre dans les gouvernements de Nicolas Sarkozy.
Dans une lettre du 14 février 2012, Nicolas Sarkozy annonce à Eric Besson qu’il a « décidé » d’accorder à sa commune « une subvention pour travaux d’intérêt local d’un montant de 150 000 euros » prise sur le budget du ministère de l’intérieur.
Le 11 avril de la même année, soit dans le délai de deux mois autorisé pour former un recours au Conseil d’Etat, René Dosière saisit celui-ci d’une requête en annulation. Selon le député de l’Aisne, le président de la République est « incompétent » pour attribuer une subvention de cette nature. « Il ne peut pas intervenir dans le budget d’un ministère qui relève de la responsabilité du ministre et du premier ministre », soulève-t-il.
En réalité, derrière cette requête, c’est la « captation » par l’ancien chef de l’Etat, depuis 2008, d’une partie de la réserve destinée à accorder des aides aux collectivités territoriales et gérée par la Place Beauvau que vise René Dosière. Situation qui, selon lui, viole la loi et la Constitution.
20 MILLIONS D’EUROS ATTRIBUÉS PAR L’ÉLYSÉE
Rembobinons le film. Nicolas Sarkozy est à l’Elysée depuis plus d’un an lorsque, le 23 octobre 2008, il adresse une lettre au ministre de l’intérieur de l’époque, Michèle Alliot-Marie, pour l’informer qu’il souhaite que les deux tiers des crédits dits de « subventions pour travaux d’intérêt local » soient désormais attribués directement par son cabinet.
De quoi s’agit-il? Dans le cadre du budget voté annuellement par le Parlement, figure le programme 122, intitulé « concours spécifiques et administrations », qui comprend une action 01 dite « aides exceptionnelles aux collectivités territoriales », subdivisée en plusieurs lignes budgétaires dont la ligne « subventions pour travaux divers d’intérêt local ».
Ces crédits, gérés par le ministère de l’intérieur, permettent d’attribuer aux communes qui en font la demande des subventions exceptionnelles. Dans le projet de loi de finances pour 2012, cette ligne est dotée de 19 millions d’euros en autorisation d’engagement (AE) et de 12 millions d’euros en crédits de paiement (CP).
Excusez du peu: cela veut dire 12,6 millions d’euros en AE et 8 millions en CP dont l’Elysée s’octroie la disposition à son gré.
Depuis 2008, donc, et sans discontinuer quels que fussent les titulaires de la fonction ministérielle, Nicolas Sarkozy a décidé que l’attribution des deux tiers de ces crédits serait directement gérée par son cabinet, de manière discrétionnaire. Ne manquant pas, en chaque occasion, de souligner par courrier au bénéficiaire qu’il en devait la faveur à ses soins.
POUVOIR DÉCISIONNEL CONTESTÉ
Dans sa requête, René Dosière souligne que « le président de la République ne tient d’aucun texte une habilitation pour s’attribuer un pouvoir de décision relatif à l’usage de crédits affectés au ministère de l’intérieur ». Aussi estime-t-il que « le président de la République s’est attribué, au mépris des dispositions constitutionnelles, un pouvoir décisionnel qui ne lui appartient pas ».
En conséquence, la décision contestée dans la requête – il avait été impossible pour le député de former un recours sur les décisions antérieures faute d’avoir pu en prendre connaissance dans le délai prescrit de deux mois –, est à ses yeux « entachée d’incompétence ».
Le député de l’Aisne invoque à l’appui de sa requête l’article 19 de la Constitution, selon lequel « les actes du président de la République (…) sont contresignés par le premier ministre et, le cas échéant, par les ministres responsables ».
Ce contreseing ministériel est la contrepartie de l’irresponsabilité du chef de l’Etat devant le Parlement. En signant seul l’attribution d’une subvention, le président de la République « a donc méconnu l’article 19 de la Constitution », estime René Dosière.
Enfin, il rappelle que, au titre de l’article 24 de la Constitution, « le Parlement vote la loi, contrôle l’action du gouvernement, évalue les politiques publiques ». Il revient donc au Parlement de contrôler l’exécution des lois de finances ainsi que le cadre dans lequel les crédits votés peuvent être utilisés.
Pour toutes ces raisons, le député appelait donc le Conseil d’Etat à annuler la décision visée par la requête. La réponse est venue du rapporteuse public, Emmanuelle Cortot-Boucher. Se refusant à aller sur le fond de la requête, elle a invité le Conseil d’Etat à décliner sa compétence à statuer.
Elle a estimé que le député n’avait pas qualité à agir en l’espèce et que le Conseil ne pouvait que rejeter sa demande. Ce qui équivaut à une fin de non-recevoir, même si la décision a été mise en délibéré.
Ne reste plus qu’à espérer que le nouveau pouvoir exécutif ne perpétuera pas le privilège que s’était attribué l’ancien.
http://parlement.blog.lemonde.fr/2013/04/12/le-conseil-detat-ferme-les-yeux-sur-le-detournement-de-subventions-ministerielles-par-nicolas-sarkozy/
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