L’Europe subventionne les délocalisations
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement ( Berd), dont la France est l’un des principaux contributeurs, a octroyé le mercredi 29 mai, un prêt de 100 millions d’euros à l’équipementier automobile Faurecia, qui, ont le sait, connaît de graves difficultés.
Mauvaise nouvelle: cette obole est destinée à l’aider à développer des activités… au Maroc, en Russie, en Roumanie, en Tunisie et en Turquie. Cette aide européenne au leader français du secteur ( filiale à 57,4% du groupe PSA) est d’autant plus amusante que Faurecia a adopté, fin 2012, un plan de 3000 suppressions d’emplois en Europe occidentale.
Or ce prêt de la banque européenne approche, à raison d’un peu plus de 30 000 euros en moyenne par salarié éjecté – le coût des restructurations de Faurecia.
Lors de sa création en 1991, la Berd avait pour mission d’aider les pays d’ Europe de l’ Est à se convertir à l’économie de marché. Elle a étendu son champ d’action, en 2011, au sud de la Méditerranée. Mais rien, dans ses statuts, ne prévoit que ces aides s’effectuent au détriment des industries des pays donateurs, où des centaines de milliers de salariés quittent chaque année la chère économie de marché pour le chômage.
La Berd, décidément aux petits soins avec les constructeurs automobiles, a offert, l’an dernier, un prêt de 110 millions au groupe PSA – qui ferme l’usine d’ Aulnay – pour l’aider à produire, avec Mitsubishi, des voitures… en Russie. Pas moins de 125 000 voitures commercialisées sous les marques Peugeot, Citroën et Mitsubishi sortiront, dès 2015, de l’usine de Kalouga, dans la grande banlieue de Moscou.
Officiellement, la Berd “ne peut intervenir que dans les pays qui s’engagent à respecter les principes démocratiques. Le respect de l’environnement est un autre critère essentiel“.
Mais, parmi les 34 pays où elle “investit et opère“, se trouvent d’excellentes démocraties comme l’ Ouzbékistan, le Kirghizistan, le Tadjikistan ou le Turkménistan, autant de républiques dans lesquelles les journalistes se retrouvent parfois truffés de plomb, où les partis d’opposition ne sont même pas tolérés, où certains chefs d’Etat sont démocratiquement élus à vie, etc.
La BEI ( Banque européenne d’investissement), qui appartient aux Etats membre et doit, selon ses statuts, “mettre en oeuvre la politique de l’ UE“, n’est pas en reste. Elle a accordé, fin 2012, un crédit de 200 millions à Ford Europe pour l’aider au financement d’investissements lourds… en Turquie.
Dans le même temps, le constructeur américain supprimait 4 500 emplois en Belgique et en Angleterre. En octobre 2009, la BEI s’était déjà fendue d’un prêt de 200 millions à Renault afin de contribuer à la construction d’une usine au… Maroc.
D’où une question quasi existentielle: pourquoi ces banques censées appliquer la politique de l’ Europe et financées par les Etats membres aident-elles des entreprises qui délocalisent ?
Aucune de ces institutions n’a souhaité répondre aux questions du Canard enchainé. “Normal, la BEI et la Berd ont horreur qu’on parle d’elles. Leur plus grand soucis est la discrétion“, sourit une responsable de l’ ONG Bankwatch Network, spécialisée dans la surveillance des institutions financières internationales.
Et d’accuser: “Elles agissent comme des banques commerciales, en oubliant leur mandat politique. Par exemple, quand elles prétendent aider l’économie égyptienne, leur aide ne va pas aux entreprises locales mais aux très grosses boîtes, notamment françaises.”
Certaines décisions, en particulier provenant de la BEI, devant se prendre à l’unanimité, la direction du Trésor, dont dépendent les administrateurs français de la Berd et de la BEI, pourrait mettre son veto à ces aides aux délocalisations honnies par Montebourg.
Mais c’est Moscovici qui contrôle le Trésor. Et il a toujours une sainte horreur des scènes de ménage entre Européens. Tant pis si les assiettes risquent encore de voler avec son collègue du Redressement productif.
source: le canard enchainé
http://www.observatoiredessubventions.com/2013/l-europe-subventionne-les-delocalisations/