Le contexte macro-économique et les perspectives sont-ils comparables entre 1997 et 2013?
Le verdict est tombé. La France comptait 3,224 millions de demandeurs d’emploi sans activité (catégorie A) à la fin mars, selon les chiffres dévoilés jeudi par Pôle Emploi.
Soit une hausse de 1,2% sur un mois et de 11,5% sur un an.
Le triste record de janvier 1997 (3,195 millions) a donc été battu. La série noire dure ainsi depuis 23 mois et devrait se poursuivre encore six mois, selon Yannick L’Horty, spécialiste du marché du travail et de l’évaluation des politiques publiques dans le domaine de l’insertion et de l’emploi. Interview.
Yannick L’Horty est professeur à l’Université Paris-Est, directeur de la Fédération de recherche Travail, Emploi, Politiques Publiques (TEPP) du CNRS
A bien des égards, non. La conjoncture actuelle est bien moins favorable. Le record de 1997 était la conséquence de la récession de 1993 qui était bien moins violente que la récession de 2009.
Et quatre ans après, l’économie française était en période de reprise. Les années suivantes ont été marquées par une croissance dynamique.
Aujourd’hui, ce qui est préoccupant, c’est qu’il n’y a aucune perspective de croissance. Le record de 1997 sera battu ce mois-ci, et les mois suivants.
La situation de l’emploi en France va continuer à se dégrader pendant encore six mois.
Emplois jeunes, exonérations de charges sur les bas salaires, contrats aidés… les outils de lutte contre le chômage sont-ils les mêmes depuis quinze ans?
Ne nous y trompons pas: l’arsenal des dispositifs publics pour l’emploi est sans cesse repensé, même si les outils se ressemblent.
Tout d’abord parce qu’il est légitime, en période de fort ralentissement de l’activité, de recourir à des contrats aidés, notamment ciblés sur des publics éloignés de l’emploi. Mais les modalités et les conditions actuelles des emplois d’avenir et des contrats aidés ne sont pas les mêmes qu’en 1997.
En 1997, les emplois jeunes de Jospin avaient permis de créer des centaines de milliers d’emplois. Pourquoi les emplois d’avenir de Hollande ne décollent pas – seulement 20 500 signés à cette date sur un objectif de 100 000?
Le dispositif ne fait que démarrer, il est normal que la montée en puissance soit progressive.
Toutefois, la difficulté tient peut-être aux conditions trop restrictives pour en bénéficier, tant du côté des jeunes ciblés [NDLR : jeunes pas ou peu diplômés] que des entreprises concernées [NDLR : le secteur public et associatif]. On pourrait envisager d’élargir le dispositif aux entreprises du secteur marchand.
Que peut-on faire qui n’a pas été fait pour lutter contre le chômage?
La question des exonérations de charges sociales sur les bas salaires n’est pas du tout évoquée aujourd’hui.
Une remise en cause totale de ces exonérations serait très domageable, elle détruirait entre 500 000 et 610 000, selon nos estimations [Rapport de recherche "Evaluer les réformes des exonérations générales de cotisations sociales", de Mathieu Bunel, Céline Emond et Yannick L'Horty, juillet 2012].
En revanche, nous avons imaginé un ciblage des exonérations à budget constant permettant de renforcer très nettement l’ampleur des exonérations versées aux salariés rémunérés en deçà de 1,3 Smic.
Cette politique permettrait de créer plusieurs dizaines de milliers d’emplois à coût constant et ceci principalement dans les secteurs intensifs en main-d’oeuvre.