Y’en a marre du rapport Moreau sur la réforme des retraites surtout pour les retraités
Posté par ippolito le 15 juin 2013
Rapport Moreau: menace sur le pouvoir d’achat des retraités, fonctionnaires compris
L’une des propositions choc du rapport Moreau permettrait d’économiser plusieurs milliards d’ici 2020… en n’augmentant plus les pensions au rythme de l’inflation.
Le rapport Moreau prévoit de ne plus indexer les pensions de retraites sur l’inflation mais selon un calcul plus complexe qui ferait baisser le pouvoir d’achat quand la croissance n’est plus au rendez-vous.
Hausse de la durée de cotisation, alignement du taux de CSG des retraités sur celui des actifs, fiscalisation des majorations de pensions… Les propositions du rapport Moreau, remis vendredi 14 juin au Premier ministre, sont désormais connues.
Le gouvernement s’est engagé à en discuter avec les partenaires sociaux cet été avant de présenter son projet de loi à la rentrée. Parmi le catalogue de mesures, l’une d’entre elles se révèle aussi surprenante qu’explosive – et surtout, potentiellement ravageuse pour le pouvoir d’achat : la révision du mode d’indexation des retraites.
« Ce serait une façon technique et un peu perverse de baisser progressivement le niveau des pensions », dénonce Philippe Pihet, président FO de l’Arrco. « Une telle mesure serait peu compréhensible pour le grand public », ajoute Philippe Crevel, du cercle des Epargnants. C’est peu dire !
Tentons d’y voir un peu plus clair. Aujourd’hui, pour calculer la retraite d’un salarié du privé quittant le marché du travail, on prend en compte ses vingt-cinq meilleures années de salaire, que l’on actualise pour compenser l’inflation.
Le rapport Moreau suggère de revenir sur ce principe et de ne plus compenser intégralement la hausse des prix. De quoi économiser plusieurs milliards d’ici 2020. Plusieurs mécanismes sont proposés. Tous seraient limités à trois ans, et s’appliqueraient également aux fonctionnaires :
- Un gel total des pensions. Cela rapporterait 6 milliards d’euros d’ici à 2016, mais Yannick Moreau, ancienne présidente du Comité d’orientation des retraites (Cor), l’a elle-même exclu : ce serait bien trop brutal. Syndicats comme Medef, pour une fois d’accord, ont déjà clairement annoncé qu’ils ne voulaient pas entendre parler d’une telle option.
- Une sous-indexation des retraites d’un point sous l’inflation. De quoi, si l’on épargne les petites pensions, économiser 3,5 milliards d’euros d’ici 2016. Une telle mesure a déjà été adoptée en début d’année pour les retraites complémentaires. Le gouvernement espère donc secrètement que les partenaires sociaux l’accepteront aussi pour les régimes de base. Mais rien n’est moins sûr.
- Une sous-indexation différente selon les catégories de retraités. Ceux payant un taux de CSG de 6,6% verraient ainsi leur pension sous-indexée de 1,2 point par rapport à l’inflation, tandis que ceux, moins aisés, payant une CSG de 3,8% se verraient appliquer une sous-indexation de 0,5%. De quoi économiser 2,8 milliards d’ici 2020.
Complexe ? C’est certain. Mais quelles que soient les modalités choisies, une chose est sûre : indolore les premières années, une désindexation serait à terme très douloureuse pour le pouvoir d’achat des retraités. Il suffit de regarder l’impact qu’a eu la dernière mesure de ce genre, en 1993.
A l’époque, les retraites étaient indexées sur l’évolution générale des salaires. Un mode de calcul très généreux que la réforme de Balladur a fait sauter, pour le remplacer par une indexation sur les prix.
Résultat : le taux de remplacement, c’est-à-dire le rapport entre le dernier salaire versé et la retraite, a baissé de près de dix points ! « Appliquer une telle mesure aujourd’hui reviendrait à programmer l’appauvrissement des retraités de demain », dénonce Eric Aubin, de la CGT.
- Un niveau de pension qui prendrait en compte la conjoncture dès 2020
La commission Moreau ne s’arrête pas là. Car si les mesures précédentes ne concerneraient que la période 2013-2016, elle propose de modifier également le mode d’indexation après 2020, et cette fois de façon pérenne.
Officiellement, l’objectif est double : « modifier le système d’indexation afin de le rendre moins dépendant des hypothèses de croissance », et « mettre en place un mode de pilotage des retraites », indique le rapport.
Là encore, le discours mérite un éclairage. Aujourd’hui, on l’a vu, les retraites sont indexées sur les prix. Problème : depuis quelques années, l’inflation est un peu supérieure au taux de croissance.
Résultat, quand l’activité ralentit, les cotisations encaissées pour financer les régimes se tassent, mais les pensions versées, elles, continuent d’augmenter, comme les prix. « Un tel système ne permet pas d’assurer l’équilibre financier de nos retraites », a expliqué Yannick Moreau.
Pour corriger ce biais, elle et son comité d’expert ont concocté plusieurs équations complexes -nous vous épargnerons les détails-, qui permettraient de réindexer en partie la base de calcul de chaque retraite sur l’évolution générale des salaires de ceux qui travaillent encore, mais en l’atténuant, soit lorsque la croissance est mauvaise, soit quand le ratio du nombre d’actifs par retraité se dégrade. Ce qui devrait être le cas jusqu’en 2035…
La responsabilité laissée néanmoins aux politiques
Quelle option choisir ? Le rapport suggère que le sujet soit discuté tous les ans par un comité d’experts qui, en fonction du contexte économique, ferait ses propositions au gouvernement. Ce dernier trancherait ensuite pour la modalité à appliquer. « Ce pilotage annuel, plus fin, nous éviterait de devoir remettre la réforme sur la table tous les cinq ans », a expliqué Yannick Moreau.
Peut-être. Mais une chose est sûre : la grande réforme systémique, avec passage à un régime identique pour tout le monde, est une fois de plus passée à la trappe.
Et le mécanisme de pilotage envisagé, censé rendre le système plus facile à gérer, le rendra plus complexe encore aux yeux des cotisants. Le choc de simplification ne passera pas par les retraites…
http://www.challenges.fr/economie/20130614.CHA0818/rapport-moreau-menace-sur-le-pouvoir-d-achat-des-retraites-fonctionnaires-compris.html
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