Y’en a marre des non dits sur le budget de 2014
Posté par ippolito le 26 septembre 2013
Les non dits du budget 2014
Tout gouvernement ficelle ses comptes au prix de quelques dénis de réalité. Le budget 2014 ne déroge pas à la règle. Revue de détail.
C’était une journée marathon, après des derniers arbitrages rendus tard dans la nuit. Une journée menée au pas de course, où le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, et son collègue délégué au budget, Bernard Cazeneuve, ont enchaîné, sans prendre le temps de déjeuner, conseil des ministres, audition à la commission des Finances de l’Assemblée et présentation à la presse. Une journée où le gouvernement n’a cessé de vanter son « sérieux budgétaire » et son « cap », après des semaines de « zigzags », comme l’a si bien qualifié Claude Bartolone.
Mais un budget qui n’échappe pas quand même à de nombreuses interrogations. Revue de quelques chausse-trapes qui ne manqueront pas de s’ouvrir tôt ou tard sous les pas de l’exécutif.
Une croissance optimiste
C’est la clé de voûte de tout texte budgétaire. La donnée qui vous rend crédible ou pas. Car 0,1 point de croissance du PIB de moins que prévu, c’est généralement 1 milliard d’euros de rentrées fiscales en moins.
Dans son projet de loi de finances pour 2014, le gouvernement mise sur une croissance de 0,9 %, après 0,1 % cette année. Alors bien sûr, les excellents chiffres du deuxième trimestre 2013 (+ 0,5 %) comme le rebond du moral des chefs d’entreprise font que cette projection n’a rien de fantaisiste.
Reste que ce chiffre de 0,9 % de croissance demeure encore inférieur au consensus des prévisionnistes. Le Haut Conseil des finances publiques, qui a pour la première fois jugé la crédibilité d’un projet de loi de finances, a d’ailleurs jugé, dans un avis rendu à la mi-journée, que cette prévision est « plausible », mais présente « des éléments de fragilité ».
Et ce conseil des sages de lister toutes les incertitudes qui pèsent sur cette prévision : ralentissement de la croissance mondiale à cause des pays émergents, hausse des prix du brut à cause de la situation au Moyen-Orient, incertitudes sur la politique monétaire de la Fed…
Surtout, le Haut Conseil des finances publiques rappelle que le « gouvernement anticipe des créations d’emplois particulièrement vigoureuses dans les secteurs marchands et non marchands » :
de fait, le gouvernement table sur une hausse du nombre d’emplois de 0,6 %. Un optimisme exagéré, selon ce comité d’experts. Qui craignent du coup de moindres rentrées de cotisations sociales et de CSG, ainsi que des dépenses supérieures en assurance-chômage.
Une dépense publique qui continue de croître
La phrase est répétée encore et encore : « 80 % de l’effort pour réduire le déficit vient des économies sur les dépenses », a redit, mercredi, Bernard Cazeneuve. En clair, sur les 18 milliards d’euros de réduction du déficit public (qui passera de 4,1 % du PIB cette année à 3,6 % l’an prochain), 15 milliards proviendront d’efforts sur les dépenses et seuls 3 milliards de hausse des prélèvements obligatoires.
Mais cela ne veut pas dire que la dépense publique va baisser. En fait, les dépenses publiques (État, collectivités locales, Sécu) atteindront l’an prochain 1 200,4 milliards d’euros, contre 1 180,8 milliards cette année. Si le gouvernement parle de 15 milliards d’économies, c’est parce que l’évolution « tendancielle » aurait dû amener les dépenses publiques à augmenter de 35 milliards d’euros en 2014.
Au crédit du gouvernement, il faut noter qu’elles augmentent toutefois quatre fois moins rapidement que par le passé et moins vite que la croissance anticipée. Résultat, le taux de dépenses publiques devrait atteindre l’an prochain 56,7 % du PIB, contre 57,1 % du PIB.
Des « économies » en pointillé
Le gouvernement affiche fièrement ses 15 milliards d’euros d’économies – qui sont davantage, on l’a vu, un ralentissement de la hausse des dépenses -, réparties à hauteur de 9 milliards d’euros sur l’État et les collectivités locales, le reste sur la Sécurité sociale. Mais pas sûr que celles-ci soient effectivement réalisées.
Par exemple, l’État va diminuer de 2 milliards d’euros ses dotations globales aux collectivités locales ; à elles ensuite de répercuter cette baisse dans leurs propres budgets. Or, comme le note le Haut Conseil des finances publiques, « la réduction des concours de l’État ne se traduira pas nécessairement par une diminution à due concurrence de la dépense locale ».
Des recettes fiscales en hausse et incertaines
La pause fiscale tant annoncée n’est pas là. Dans les faits, le projet de loi de finances prévoit une hausse de 3 milliards d’euros des recettes fiscales, avec du coup un taux de prélèvement obligatoire qui va passer de 46 % à 46,1 % du PIB.
Mais certes, après 20 milliards d’euros de hausse en 2012, et encore 20 milliards d’euros de hausse en 2012, cette hausse de 0,15 point de PIB reste modérée… Reste que ces rentrées supplémentaires comportent des incertitudes.
D’abord parce que 2 des 3 milliards proviennent d’une lutte accrue contre l’évasion fiscale, un levier sur lequel rien n’est jamais garanti. « C’est un outil avec lequel nous avons tous malheureusement beaucoup trop joué au moment de rédiger les projets de loi de finances », juge ainsi un des prédécesseurs de Cazeneuve au Budget.
Autres incertitudes, cette fois dues à la mauvaise conjoncture en… 2013. Comme certains impôts se règlent avec un décalage dans le temps (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés), les recettes 2014 risquent encore d’être pénalisées.
Enfin, le gouvernement table beaucoup sur son nouvel impôt, une cotisation sur l’excédent brut d’exploitation, qui va remplacer la taxe sur le chiffre d’affaires (IFA) et doit rapporter 2,5 milliards d’euros. Problème, comme toute nouvelle taxe, difficile d’en planifier pleinement les retombées sans expériences passées. Résultat, le Haut Conseil des finances publiques « n’a pas été en mesure d’en évaluer le rendement ».
Par Clément Lacombe
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