Y’en a marre des chamailleries de François Hollande et de Nicolas Sarkozy
Posté par ippolito le 11 décembre 2013
Les chamailleries entre François Hollande et Nicolas Sarkozy vont expédier quelques tonnes inutiles de CO2 de plus dans l’atmosphère.
Nous avons mesuré le bilan carbone de la vanité présidentielle et du voyage Hollande-Sarkozy au dernier Mandela Day
Pour se rendre aux cérémonies organisées par l’Afrique du Sud en hommage à Nelson Mandela, plus de 70 chefs d’Etat et de gouvernement ont emprunté l’avion. Barack Obama et George W. Bush, son prédécesseur, voyagent ensemble à bord de Air Force One. En France, François Hollande et son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, invité par le premier, voyagent chacun à bord d’un Falcon présidentiel. Sur RTL, Brice Hortefeux, proche de l’ancien président de la République explique:
«Lui [Nicolas Sarkozy], je ne le sais pas mais moi, je vous le confirme. Je garde en souvenir une image discourtoise, et les propos qu’il [François Hollande] avait tenus lors de sa visite au Salon de l’agriculture. Tout ceci n’est pas effacé par un déplacement logique pour rendre hommage à une personnalité mondialement reconnue.»
Ainsi, c’est parce que le président et son prédécesseur ne s’entendent pas bien qu’ils ne peuvent pas voyager dans le même avion… Politiquement, les torts semblent partagés. François Hollande a fait revenir d’urgence Jean-Marc Ayrault, qui a écourté son voyage officiel en Chine, pour rapporter l’Airbus A330 présidentiel, le Air Force One français réquisitionné pour assurer le voyage à Johannesburg. On se souvient que cet avion d’occasion avait été acheté en 2009 par Nicolas Sarkozy pour 176 millions d’euros (dont plus de 90 millions d’euros de modifications de la cabine) selon le ministère de la Défense (260 millions d’euros selon le député PS René Dosière cité par Le Figaro). Une dépense critiquée à l’époque et qui a valu à l’appareil le surnom d’Air Sarko One.
Lorsque l’ancien président a accepté l’invitation de François Hollande à l’accompagner à en Afrique du Sud, changement de stratégie de l’Elysée. A l’A330 revenu précipitamment de Chine, sont préférés les Falcon présidentiels. Raison officielle invoquée: l’économie. Europe 1 indique qu’une heure de l’A330 revient à 20.000 euros, contre 8.000 pour une heure des Falcon 7X présidentiels.
17.500 km aller-retour, X3, pour une dizaine de personnes
Mais Il y a toujours deux Falcon 7X lors d’un voyage du Président, le second servant de secours en cas de panne du premier. Nous en sommes donc à 16.000 euros. Mais on apprend qu’un troisième Falcon transporte les invités de l’Elysée et le personnel technique… Nous voilà à 24.000 euros de l’heure… Si tout le monde pouvait tenir dans l’A330, le coût aurait été inférieur.
Ces péripéties qui oscillent entre le calcul politique (Nicolas Sarkozy pourrait se représenter aux élections de 2017) et les enfantillages font au moins une économie notable, celle de la mention du bilan carbone d’un tel voyage. Trois Falcon affrétés pour parcourir l’aller-retour Paris-Johannesburg, cela représente une distance parcourue de 17.500 km.
Un Falcon 7X, qui coûte environ 36 millions d’euros l’unité, se déplace à une vitesse de croisière de 850 km/h. Si on néglige les phases de décollages et d’atterrissage, la durée du vol est donc d’au moins 20 heures. Soit un coût de 165.000 euros. Pour trois Falcon, l’aller-retour revient aux alentours de 495.000 euros. Cela pour déplacer François Hollande et ses six accompagnateurs d’un coté et Nicolas Sarkozy avec sa conseillère et son officier de sécurité de l’autre. Soit dix personnes au total. Prix du billet: 49.500 euros.
Coté carbone, le calcul n’est jamais simple. Chaque kg de kérosène consommé produit 3,15 kg de CO2. Mais rien que pour dégoter la consommation en kérosène d’un Falcon 7X, il faut faire chauffer Google. On finit par trouver que la capacité du réservoir: 18.045 litres de carburant. Soit à peu près le poids de sa structure sans carburant (19 tonnes). La distance franchissable annoncée est de 11.000 km. A 850 km/h, cela représente une durée de vol de 13 heures. L’avion consomme donc de l’ordre de 1.300 litres de kérosène à l’heure. Ou bien 164 litres au 100 km. Ces chiffres sont approximatifs mais ils donnent un ordre de grandeur. Dassault Aviation met en avant la faible consommation du Falcon 7X comme un avantage sur ses concurrents.
Un site, myclimate, permet de calculer les émissions de CO2 correspondant à un vol donné. Pour trois passagers, comme dans le Falcon utilisé par Nicolas Sarkozy, l’aller retour Paris-Johannesburg en classe économique, conduit à une quantité d’équivalent CO2 émise de 9,9 tonnes. En première classe, le chiffre monte à 29,8 tonnes de CO2. En fait, la différence importante est liée à la place qu’occupent les passagers sur les vols classiques en fonction de leur classe. Soit trois fois plus de surface en première classe qu’en classe économique. Un seul passager en classe économique consomme 3,3 tonnes de CO2.
Comme un gros 4X4
Le calculateur de l’aviation civile française présente les résultats de façon assez différente. Pour le même vol aller/retour Paris-Johannesburg de 17.500 km, les émissions de CO2 par passager atteignent 1,3 tonne par passager pour une consommation de kérosène totale de 530 litres par passager, soit environ 3 litres/100 km. Si l’on ajoute les émissions liées à la production et la distribution de kérosène (254 kg par passager), on obtient des émissions totales par passager de 1,6 tonne. Soit environ la moitié du chiffre donné par myclimate.
Dans le cas des avions présidentiels, ces calculs ne sont guère adaptés. On peut néanmoins prendre comme ordre de grandeur la valeur de 9,9 tonnes équivalent CO2 consommé par un passager de première classe sur un vol aller-retour Paris-Johannesburg.
Sur un vol long courrier classique entre San Francisco et Hong Kong, soit 13.000 km, l’Airbus A340-600 consomme 175.900 litres de kérosène avec 380 passagers à bord. Soit seulement 3,56 litres par siège et par 100 km. Une consommation par personne qui est assez précisément celle que l’on obtient avec deux ou trois passagers à bord à bord d’une automobile. Air France annonce une consommation de 3,7 litres/100 km par passager avec un taux de remplissage de ses avions d’environ 82%.
Si l’on revient aux 164 litres/100 km calculés pour le Falcon 7X, on comprend que le faible taux de remplissage des avions présidentiels fait exploser la consommation par personne. Soit 55 litres/100 km par personne dans le Falcon de Nicolas Sarkozy et 25 litres/100 km par personne dans l’avion de François Hollande. On est alors plus proche de la consommation d’un gros vieux 4×4 conduit sans autre passager que le conducteur. En moyenne, en 2010, la consommation moyenne des automobiles en France a été de 5 litres au 100km et par passager.
Nul doute que les personnages importants comptent parmi les grands contributeurs aux émissions de CO2. Pendant la présidentielle de 2012, les cinq principaux candidats ont ainsi émis, ensemble, entre le 20 mars et le 6 mai, 13.250 tonnes de CO2. Mais bon, cela ne représente que 250 grammes de CO2… par électeur.
Pour autant, les voyages présidentiels, très exposés médiatiquement, seraient de parfaites occasions pour donner l’exemple. Pour afficher une réelle volonté de réduire les émissions de CO2. Pour montrer que l’avenir de la planète importe plus que les chamailleries de cours d’école primaire. Le voyage pour rendre hommage à un homme qui s’est sacrifié pour son idéal aurait également justifié un peu plus de détachement vis à vis des vanités politiciennes. Dommage. Par chance, Mandela n’en saura rien.
http://www.slate.fr/story/80971/bilan-carbone-vanite-presidentielle-voyage-sarkozy-hollande-mandela
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