Y’en à marre du régime social des indépendants
Posté par ippolito le 12 décembre 2013
Régime social des indépendants, la Sécu qui rend fous les petits patrons
Règles trop complexes, erreurs multiples, difficultés à payer… Le Régime social des indépendants (RSI) n’en finit plus d’alimenter la grogne des artisans, commerçants, petits entrepreneurs, déjà exaspérés par la valse des impôts et des charges.
Il y a ceux qui commencent par ronchonner contre les charges sociales ou les difficultés à embaucher et qui, inévitablement, finissent par lâcher : « Et puis, il y a le RSI ! Vous avez entendu parler du RSI? » Ceux qui, à peine la conversation engagée, listent à l’infini les appels de cotisations, les injonctions à payer au plus vite et les lettres restées sans réponse… Ceux, enfin, qui disent n’avoir pas grand-chose à raconter, mais se montrent intarissables.
Râler contre les taxes et les impôts est une tradition – presque un réflexe – chez les petits patrons. Rarement, pourtant, sujet aura suscité autant d’énervement. Le Régime social des indépendants (RSI) aurait dû être à leur service, en leur fournissant une Sécurité sociale adaptée à leurs besoins. Il est devenu à leurs yeux le symbole d’une administration qui ne les comprend pas, leur fait perdre du temps et les mène à la ruine, eux, chaque jour en première ligne pour faire tourner l’économie française.
Le RSI a beau ne pas dépendre de l’Etat, et être géré par des administrateurs élus par leurs pairs, il trinque pour un ensemble de tracasseries sociales et fiscales auxquelles il est étranger. Au moindre dysfonctionnement, ce sont quelques centaines de milliers de petits chefs d’entreprise qui se mettent à bouillonner.
Le régime unique devait améliorer le service aux adhérents…
Bien sûr, l’agitation est entretenue par les mouvements les plus radicaux, mais ceux-ci rassemblent à peine quelques dizaines de personnes, comme Sauvons nos entreprises ou le Cidunati, héritier pâlissant d’une organisation très active dans les années 1970, qui devait mener, le lundi 9 décembre, une opération coup de poing à l’Acoss, la banque de la Sécu. L’exaspération est bien plus large et alimente, en sourdine, les grognes patronales de cet automne.
Lorsque le RSI est créé, en 2006, l’idée paraît pourtant judicieuse. Plusieurs caisses de Sécurité sociale coexistent. Trop nombreuses, trop petites.
Qu’à cela ne tienne, tout ce petit monde va fusionner : une même structure s’occupera de la couverture maladie et/ou retraite de 2,8 millions d’artisans et de commerçants, dirigeants de société non salariés de leur entreprise, avocats, médecins ou architectes… Les promoteurs de la fusion en sont convaincus : le service aux adhérents va s’améliorer et les coûts de gestion – sur les 20 milliards d’euros de flux financiers annuels – vont diminuer.
Mieux, en 2008, la vie des adhérents sera encore simplifiée grâce à un interlocuteur social unique (ISU), collecteur de toutes les cotisations pour la retraite, la maladie, la prévoyance.
La bonne idée tourne vite à la catastrophe. L’ISU est lancé trop rapidement. Le système informatique ne supporte pas le choc, il doit être arrêté pendant trois semaines. Lorsqu’il redémarre, les erreurs se multiplient. Les professions libérales, qui ont choisi de ne pas mettre en place l’ISU, se frottent les mains.
Plusieurs centaines de milliers de dossiers en attente
Les autres se désespèrent. Une partie des adhérents n’est plus relancée pour payer ses contributions. D’autres cotisent deux fois. Certains paient pour la maladie, pas pour le reste. Bref, c’est la pagaille. Au point que les dossiers présentant des anomalies doivent être mis de côté – il y en a plusieurs centaines de milliers.
Personne n’est alors capable de dresser un état des lieux précis. Une subtile répartition des tâches entre institutions a été décidée : le RSI affilie les chefs d’entreprise et leur verse les prestations, les Urssaf – déjà chargées du recouvrement pour les salariés – calculent et collectent les cotisations. Mais les deux systèmes informatiques se révèlent incompatibles.
Les chefs d’entreprise tentent de se renseigner sur leur situation, tombent sur des agents du RSI de bonne volonté mais sans accès à leurs dossiers et incapables de résoudre directement leurs problèmes. Il faut en référer aux Urssaf : elles seules ont le pouvoir d’intervenir.
A partir de 2009, le lancement du statut des autoentrepreneurs provoque un afflux de nouveaux adhérents. Les retards s’accumulent. A la fin 2011, dans un rapport, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dresse un bilan sans appel de cette « réforme qui, à l’expérience, s’est révélée une source de complexité plus qu’une simplification ».
En septembre 2012, la Cour des comptes n’est pas plus tendre : « Cette réforme a été mal construite et mal mise en oeuvre en raison de compromis institutionnels laborieux et d’une mésestimation complète des contraintes techniques. » L’opération n’a pas non plus permis de réelles économies. De 629 millions d’euros en 2009, les frais de gestion sont passés à 604 millions en 2012. Plus grave, voilà six ans que les comptes du RSI ne sont pas certifiés, faute de garanties suffisantes sur le montant des cotisations perçues.
Deux systèmes informatiques incompatibles
A la mi-2011, la révolte gronde. Xavier Bertrand, alors ministre du Travail, nomme un nouveau directeur général. Stéphane Seiller, un spécialiste de la Sécu, a pour mission de remettre les choses en ordre.
Deux ans plus tard, l’amélioration est notable. « Les délais d’affiliation sont passés de trois mois à dix jours depuis l’été 2011. Et le nombre de réclamations a diminué de moitié en deux ans », se félicite Stéphane Seiller. Mais la « crise de l’ISU » n’est pas totalement résolue.
Le système est si obscur qu’artisans et chefs d’entreprise n’y comprennent rien.
Aujourd’hui encore, en matière de retraite, les deux systèmes informatiques ne communiquent pas. Les agents du RSI peuvent voir sur leur écran les cotisations versées à l’Urssaf, mais, faute de pouvoir importer ces informations dans leur système, ils sont obligés de calculer manuellement le montant des pensions.
Surtout, cette crise a durablement entamé la confiance des petits patrons. Le rattrapage des ratés du début a provoqué difficultés et exaspérations. L’histoire de cette victime de l’ISU est presque banale. En novembre 2011, un consultant de la région parisienne reçoit un rappel de cotisation pour la période 2008-2010 : 80000 euros à verser en trois fois. Impossible de payer en si peu de temps, son activité ralentit, il dispose de moins de revenus. Il négocie un étalement.
Tout va moins mal… jusqu’à la lecture de cette petite ligne en bas du courrier qui indique que les majorations de retard seront calculées et exigées au terme de l’échéancier. « C’est eux qui se trompent, ils me mettent en difficulté et il faudrait que je paie des pénalités ! », s’étrangle-t-il encore aujourd’hui.
Le ressentiment est énorme : « Quand j’arrive chez moi et que je vois une enveloppe du RSI, ma soirée est foutue ! », dit l’un. « La moindre feuille RSI qui arrive, vous n’avez plus envie de l’ouvrir », ajoute une autre, installée dans le Sud-Ouest. Même quand il fonctionne à peu près, le système est si complexe que les patrons n’y comprennent rien.
Les cotisations sont calculées avec deux ans de retard, lorsque le revenu définitif du chef d’entreprise est connu. Ainsi, en 2013, l’assuré paie ce qu’il doit pour l’année 2011. Simple, jusqu’au moment où il faut déduire les avances versées en 2012, ajouter les échéances en retard, ne pas oublier les pénalités éventuelles…
Pour simplifier les calculs, experts-comptables et organisations patronales défendent l’idée d’une autodéclaration par le cotisant. « Pour la TVA ou les charges sociales des salariés, nous déclarons nous-mêmes ce que nous devons payer. Pas pour le RSI. On marche sur la tête », regrette Sophie Duprez, représentante de la CGPME au sein du RSI. L’option a été écartée.
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 prévoit toutefois de pouvoir calculer les cotisations avec une seule année d’écart. De crainte d’un nouveau bug informatique, cette mesure n’entrera en vigueur qu’au début de 2015.
Un univers kafkaïen
En attendant, le grand flou persiste : « Depuis le mois de septembre, j’ai reçu quatre lettres du RSI : dans la première, on me rembourse 700 euros, dans la seconde plus que 82 euros et, dans les troisième et quatrième, plus rien du tout », détaille Line Galvan, qui tient un salon de coiffure à Lafrançaise, dans le Tarn-et-Garonne.
Perdus dans cet univers kafkaïen, les chefs d’entreprise peinent à obtenir des réponses à leurs problèmes, petits ou grands. Ainsi, ce créateur de sites Internet qui a payé, pendant plusieurs mois, une double cotisation parce qu’il ne parvenait pas à obtenir sa radiation d’une caisse où il avait été inscrit par erreur.
Ainsi, cette chef d’entreprise rennaise qui, une année, obtient un étalement pour payer ses cotisations, mais pas l’année suivante, sans explication. Ainsi, ce restaurateur de Roubaix qui s’est séparé d’une associée malhonnête mais ne peut récupérer le trop-perçu versé par sa société parce que seule l’associée peut percevoir le chèque.
Ainsi, ces ordres de prélèvement de 1068 euros qui se transforment en prélèvements bancaires de 1 072 euros sans raison, rendant bancales les écritures comptables. Si les erreurs de ce genre sont désormais plus rares, rien n’est pardonné au RSI.
Enfin, presque rien. Paradoxalement, les chefs d’entreprise râlent, crient, tempêtent contre leur Sécu, mais aucun d’entre eux ne souhaite sa disparition. Le coût de cette couverture paraît pourtant élevé : les cotisations représentent 47 % de leurs revenus annuels. Mais – et les petits patrons le savent – ce pourrait être bien pire. Pour assurer son équilibre financier, le régime bénéficie des recettes d’une taxe payée par toutes les entreprises de plus de 780000 euros de chiffre d’affaires, la C3S.
Pas franchement une broutille : 2,7 milliards d’euros en 2012. Sans elle, le coût individuel bondirait. De même, s’ils devaient rejoindre le régime général des salariés, les chefs d’entreprise devraient payer environ 20 % de plus qu’aujourd’hui. Vu sous cet angle, même avec ses défauts, le RSI paraît soudain beaucoup plus séduisant…
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