A l’Assemblée, le match des cumulards
DÉSINTOXQui a le plus de députés-maires ? Qui cumule quatre mandats, qui n’en a qu’un ? UMP, PS, UDI, ou d’autres ? Désintox fait les comptes.
«- Ce qui est paradoxal, c’est que les champions du cumul sont plutôt sur la gauche de l’hémicycle. Quand nous voyons le nombre de députés-maires…
- Il y a plus de députés-maires de droite que de députés-maires de gauche.
- Ça mérite d’être compté.»
INTOX. Promesse phare de la campagne de François Hollande, la loi sur le non-cumul des mandats a été adoptée fin novembre en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, en attendant d’être réexaminée par le Sénat mi-janvier.
Ce texte prévoit qu’en 2017, députés et sénateurs ne pourront pas être, dans le même temps, maire ou maire adjoint, président ou vice-président de conseil général ou régional, ou d’une intercommunalité, ou de toute autre collectivité territoriale (société d’économie mixte par exemple).
Le matin de ce vote, sur LCP, deux adeptes du mandat unique – député et rien d’autre – devisaient sur le sujet. Sébastien Huyghe, député UMP du Nord, ironisait sur ce projet de loi socialiste : «Ce qui est paradoxal, c’est que les champions du cumul sont plutôt sur la gauche de l’hémicycle. Quand nous voyons le nombre de députés-maires…»
Son homologue socialiste des Hauts-de-Seine, Jean-Marc Germain, ne le laisse pas terminer sa phrase et s’offusque : «Il y a plus de députés-maires de droite que de députés-maires de gauche.» Réponse de Sébastien Huyghe : «Ça mérite d’être compté.» A Désintox, nous sommes là pour ça.
DESINTOX. Au Palais-Bourbon, les cumulards sont partout : à gauche, à droite, au centre et ailleurs. Seuls 108 des 577 députés, soit moins d’un sur cinq, n’ont que ce mandat à leur actif.
L’immense majorité en possède donc deux ou trois, et une grosse poignée – 33 exactement – en ont même quatre (1). A ce jeu-là, difficile donc, entre l’UMP et le PS, de féliciter l’un ou l’autre. Mais puisqu’il faut bien départager Jean-Marc Germain et Sébastien Huyghe, faisons-le : l’UMP compte beaucoup plus de députés-maires que le PS.
Y compris en valeur absolue, alors que le premier parti d’opposition compte bien moins d’élus à l’Assemblée que celui de la majorité : 99 députés-maires pour l’UMP, soit un sur deux, contre 86 pour le PS, soit un sur trois. Sur le coup, Sébastien Huyghe aurait donc mieux fait de ne pas s’avancer autant…
Pourtant, ce constat a tout du trompe-l’œil. Car la question du cumul des mandats ne peut pas se résumer au cas d’école du député-maire. Ainsi, si les députés socialistes comptent moins de maires dans leurs rangs, c’est surtout parce qu’ils ont davantage anticipé cette loi sur le non-cumul des mandats.
En 2017, maire ou adjoint au maire sera incompatible avec député, mais pas conseiller municipal : du coup, depuis qu’ils ont été élus en juin 2012, de nombreux députés PS ont troqué leur mandat de maire contre celui d’adjoint – pour une transition en douceur – ou de simple conseiller municipal. Ils sont aujourd’hui 75 députés socialistes dans ce cas de figure, contre seulement 33 à l’UMP.
Et à l’arrivée, les deux partis comptent une proportion à peu près comparable de députés siégeant au sein de conseils municipaux, comme maire ou conseiller : 68% pour l’UMP, 57,9% pour le PS.
Le tableau est à peu près identique pour les communautés de communes ou d’agglomération. Tous partis confondus, 42,5% des députés siègent également au sein d’une de ces intercommunalités. Ce ratio est plus faible au sein du PS (37,4%) que de l’UMP (51%). Et là encore, les députés socialistes ont mieux anticipé la future loi avec 29 présidents pour 75 conseillers, contre 41 présidents et 58 conseillers pour l’UMP.
Car comme le mandat de maire, celui de président d’intercommunalité sera incompatible avec un siège à l’Assemblée en 2017… Il en ira de même avec les mandats de président de conseil général ou régional. Mais là, les doubles casquettes sont moins courantes : six présidents pour le PS (et 68 conseillers) contre seulement quatre à l’UMP (49 conseillers).
Dans l’ensemble, les députés socialistes font donc un peu plus d’efforts que leurs homologues de l’UMP. En quantité : environ 60% des députés PS n’ont qu’un seul ou pas de mandat supplémentaire, alors qu’ils sont à peu près autant à l’UMP à en cumuler trois ou quatre.
Mais aussi en légalité, puisque davantage d’élus socialistes sont déjà dans les clous pour 2017 par rapport à ceux du premier parti d’opposition. Ce qui est quand même heureux pour un camp qui a voté cette loi à la quasi-unanimité après avoir traîné les pieds suffisamment longtemps pour repousser son application de 2014 à 2017.
Quant au reste de l’hémicycle, les situations sont très disparates : de l’UDI, où l’on cumule volontiers et en quantité, au FN, dont les deux députés sont au mandat unique, en passant par EE-LV, le Front de gauche ou les radicaux. Pris tous ensemble, 23,8% de ces 105 députés n’ont pas d’autre mandat.
Mais si l’on retire les écologistes, ce ratio tombe à 17,8%, car les députés d’Europe Ecologie – les Verts sont de loin les plus exemplaires en la matière.
Et pourtant : même si le mandat unique était une promesse de campagne d’Eva Joly en 2012, seuls neuf députés écolos sur quinze en ont fait une réalité. Preuve que le non-cumul, c’est dur pour le monde. Et ce n’est pas près de s’arranger. Les municipales, en mars, permettront à quelques députés d’ajouter un mandat à leur collection…
http://www.liberation.fr/politiques/2013/12/16/a-l-assemblee-le-match-des-cumulards_966925