Y’en a marre de la crise
Posté par ippolito le 6 décembre 2013
Artus : et si la France était en récession en 2014 ?
Le gouvernement et des instituts nous annoncent le contraire, mais pour Patrick Artus l’hypothèse d’une contraction de l’économie est très plausible.
Les prévisions de croissance pour 2014 pour la France (du gouvernement français, des institutions internationales) sont légèrement inférieures à 1 %, contre une croissance prévue très légèrement positive en 2013.
L’amélioration de la situation économique de la France est attribuée par les prévisionnistes à une reprise des exportations, avec la meilleure croissance mondiale, à une reprise de l’investissement des entreprises, à un recul du taux d’épargne des ménages.
Mais les indicateurs conjoncturels racontent une histoire tout à fait différente. Qu’on regarde les perspectives de croissance dans l’industrie et dans les services (les enquêtes « PMI »), les carnets de commandes pour les biens d’équipement, la confiance des ménages, la tendance des exportations, on ne voit aucun signe en France qui annonce une amélioration, au contraire : toutes ces enquêtes et tous ces indicateurs sont compatibles avec une croissance fortement négative en 2014 en France.
Le PMI de la France est autour de 48, dans la zone de recul de l’activité, contre 54 en Allemagne, 50 en Espagne, 51 en Italie. L’enquête sur les commandes de biens d’équipement est à – 54 en France, contre – 30 environ en Espagne et en Italie, – 12 en Allemagne. Les exportations en volume sont en croissance légèrement négative en France sur un an au troisième trimestre 2013, la confiance des ménages reste très faible, etc.
L’extrême pessimisme des entreprises
Peut-on comprendre que la croissance resterait négative en France en 2014 alors qu’elle serait nettement positive en Allemagne (1,5 % environ), un peu positive en Espagne et même en Italie?
D’une part, il ne faut pas compter sur une reprise forte du commerce mondial, donc sur une croissance tirée par les exportations. Les pays où l’économie repart (États-Unis, Royaume-Uni, Japon, Chine) ont des croissances tirées par les services, par la construction : ce sont des modèles de croissance très domestiques, ne générant pas d’importations supplémentaires, donc de reprise du commerce mondial.
Mais cela vaut pour tous les pays, sauf pour ceux qui gagnent rapidement des parts de marché à l’exportation comme l’Espagne. Ce qui est particulier à la France est l’extrême pessimisme des entreprises, qui conduit au recul des investissements et de l’emploi. On peut l’attribuer à de multiples causes connues : d’abord à la faiblesse de la profitabilité et de la rentabilité du capital, d’où la fragilité financière et la faible incitation à investir ; la rentabilité du capital physique (des équipements, des bâtiments, pas du capital financier) est inférieure à 7 % en France contre 12 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.
Ensuite, au niveau très élevé de la pression fiscale sur les entreprises en France (qui représente 17,5 % du produit intérieur brut, contre 15,5 % en Italie, 11,5 % en Espagne, 10 % en Allemagne) et surtout l’incertitude sur la fiscalité et les réglementations. Le Parlement français multiplie les modifications des règles fiscales, et l’annonce par le Premier ministre d’une réflexion, durant probablement plusieurs années, sur la remise à plat de la fiscalité a encore accru cette incertitude.
L’incertitude réglementaire et fiscale contribue aussi à expliquer le recul important de l’activité de construction résidentielle en France, avec des mises en chantier à 320 000 en un an, plus basses encore (280 000 probablement) l’année prochaine, contre 450 000 avant la crise.
Un risque majeur sur les taux d’intérêt
Que se passera-t-il si la France est en réalité en récession et non en croissance proche de 1 % en 2014 ?
Le premier risque est que cela attirera l’attention des investisseurs non résidents. Si la France est le seul pays de la zone euro à ne pas connaître de reprise économique en 2014, il est improbable que ces investisseurs continuent à prêter à l’État français à un taux d’intérêt seulement supérieur de 45 points de base (0,45 %) au taux d’intérêt payé par l’État allemand.
Le second risque est qu’une récession en 2014 empêcherait toute amélioration des finances publiques. On attend un déficit public légèrement inférieur à 4 % du produit intérieur brut en 2014 avec une croissance voisine de 1 % ; si la vraie croissance est de l’ordre de -1/2 %, le déficit public remonterait vers 4,5 % du PIB.
Le risque le pire est enfin évidemment que si la croissance était par exemple de – 1/2 %, avec des gains de productivité de l’ordre de 0,7 % sur l’année, l’emploi dans les entreprises reculerait de 1,2 %, le nombre de chômeurs augmenterait de plus de 200 000 durant l’année 2014, et la situation politique et sociale serait évidemment très compliquée.
http://www.lepoint.fr/invites-du-point/patrick-artus/artus-et-si-la-france-etait-en-recession-en-2014-05-12-2013-1765001_1448.php
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