Y’en a marre de l’écotaxe
Posté par ippolito le 13 janvier 2014
Le gâchis du gâteau de l’écotaxe a commencé
Alors que la redevance devait rapporter 1,2 milliard d’euros par an, sa suspension entraîne déjà de lourdes pertes pour l’État et les collectivités.
Derrière la victoire provisoire des Bonnets rouges, la suspension de l’écotaxe va coûter plusieurs dizaines de millions d’euros à l’État.
Quand l’État va-t-il enfin prendre ses responsabilités ? Depuis l’annonce de la suspension de l’écotaxe ou taxe poids lourds (TPL) par Jean-Marc Ayrault en octobre dernier, le gouvernement joue la montre sous la pression des transporteurs et des Bonnets rouges.
D’un côté, les sénateurs PS ont lancé une mission d’enquête sur la nature du contrat signé entre l’État et Écomouv’, l’opérateur chargé de percevoir l’écotaxe, qui comporte de nombreuses zones d’ombre. De l’autre, toujours à la demande du pouvoir socialiste, des députés mènent une « mission d’information » visant à « redonner du sens au dispositif ». On voit donc mal l’exécutif débloquer le dossier avant le rendu des conclusions de ces deux commissions parallèles.
Or, chaque jour passé est un jour perdu dans la perception de la taxe, qui aurait dû commencer le 1er janvier – après avoir déjà été retardée à plusieurs reprises. Selon un rapport sénatorial, le manque à gagner est estimé à 1,2 milliard d’euros par an, répartis de la façon suivante : 760 millions d’euros pour l’État via l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), 160 millions d’euros pour les départements, 280 millions pour Écomouv’, dont 50 millions d’euros réservés à la puissance publique au titre de la TVA.
Pas de taxe, mais déjà un loyer !
Le constat est d’autant plus amer quand on sait que l’État va bientôt devoir verser son premier loyer à la société Écomouv’ ! L’entreprise a en effet mis à disposition son système depuis le début de l’année, qu’elle juge enfin prêt – après avoir accumulé près de six mois de retard. Dès lors, et contrairement aux affirmations de Pierre Moscovici, le partenariat public-privé (PPP), qui lie les deux parties, engage l’État à verser un loyer trimestriel à l’opérateur de 57 millions d’euros hors taxes. Le premier versement aura donc bien lieu en mars alors que le système fonctionne pour l’instant à vide.
Le ministère des Transports a beau plaider qu’une discussion est en cours afin de baisser ce montant et que des pénalités seront appliquées à Écomouv’ pour son retard – environ 8 millions d’euros au total -, la facture risque d’être salée pour l’État. Une perte sèche pour le contribuable, à laquelle il faut ajouter la prise en charge des sept portiques détruits depuis octobre, soit 4 millions d’euros.
Plus les mois sans perception passent et plus l’accumulation du loyer à payer et du manque à gagner sera lourde. En outre, seuls 200 000 camions sont abonnés au système sur les 400 000 prévus. En effet, les transporteurs ne sont pas forcément pressés d’investir dans un système à l’avenir en pointillé… Même si la suspension est levée demain, le dispositif ne risque donc pas d’être lancé sans une nouvelle période d’enregistrement, comme l’a reconnu mercredi le directoire d’Écomouv’ devant la commission sénatoriale.
En attendant de toucher ses premiers rentrées, la société a laissé tomber plusieurs de ses promesses d’embauche. L’entreprise est censée faire travailler directement 300 salariés et 700 sous-traitants, selon ses propres chiffres. Elle n’a pour l’instant embauché que la moitié des CDI promis. Environ 60 CDD n’ont pas été renouvelés et la formation de 30 stagiaires avec Pôle emploi a été suspendue.
La modernisation des transports alternatifs ralentie
Autres victimes collatérales : les secteurs fluviaux, ferroviaires et les transports collectifs. L’essentiel du produit de l’écotaxe est d’abord destiné à développer ces modes de transport dits « alternatifs »… si produit il y a. Le président de Voies navigables de France (VNF) expliquait en décembre dans L’Officiel des transporteurs que la suspension de l’écotaxe lui pose un « problème » : « Nous n’avons pas été en mesure de voter le budget de VNF pour 2014 lors du conseil d’administration fin novembre. L’État n’a pas pu nous indiquer le montant qu’il nous accordera. »
Du côté des rails, l’État avait promis, selon une source proche du dossier, 200 millions à Réseau ferré de France. Une coquette somme que le gestionnaire des infrastructures ferroviaires françaises, endetté à hauteur de 33 milliards d’euros, aurait bien ajoutée à ses comptes de résultats.
Autre morceau important, le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) devait se voir doter de 500 millions d’euros supplémentaires pour 2014, 20 % de son budget total. Cette hausse doit notamment financer un important appel à projets sur les transports collectifs, issu du Grenelle de l’environnement. « Si on fait les additions, la décision [de suspendre l'écotaxe, NDLR] du gouvernement entraîne pour l’instant un manque de plusieurs centaines de millions d’euros », confirmait en novembre son secrétaire général Jean-Claude Paravy. Un trou dans le budget de l’agence que le ministre du Budget Bernard Cazeneuve a promis de combler début décembre en annonçant de « nouvelles économies ». En d’autres termes : déshabiller d’autres ministères pour habiller bon an mal an l’AFITF.
La première taxe qui fait perdre de l’argent à l’État
Derniers acteurs privés du gâteau : les départements. Sans écotaxe, les élus locaux attendent toujours l’enveloppe promise de 160 millions d’euros par an, alors que la charge de la voirie pèse lourd dans leurs comptes. « Cela fait des années que j’inscris 5 millions d’euros au budget de mon département qui ne viennent jamais », s’insurge le sénateur Éric Doligé, aussi président du conseil général du Loiret.
Résumons. L’État paie pour un dispositif qui ne rapporte toujours rien. Des chômeurs à moitié formés attendent de savoir quel sort on leur réserve. Pendant ce temps, le gouvernement est obligé de bricoler son budget pour assumer une décision prise sans même prévenir son partenaire. Et les conseils généraux espèrent toujours un chèque promis depuis maintenant trois ans (voté sous la droite, le dispositif devait entrer en vigueur en 2011). Une situation que la présidente de la commission d’enquête sénatoriale, Marie-Hélène des Esgaulx, a qualifiée d’ »ubuesque ». L’écotaxe a pour l’instant réussi le tour de force d’être le premier impôt à faire perdre plus d’argent qu’il n’en rapporte.
http://www.lepoint.fr/environnement/le-gachis-du-gateau-de-l-ecotaxe-a-debute-10-01-2014-1778751_1927.php
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