Y’en a marre des intermittents du spectacle
Posté par ippolito le 4 mars 2014
Le régime des intermittents coûte-t-il un milliard d’euros ?
Ils sont régulièrement pointés du doigt comme les profiteurs du système d’assurance-chômage. Les intermittents du spectacle, artistes ou techniciens, bénéficient en effet d’un régime d’indemnisation particulier, destiné à compenser l’irrégularité et les courtes durées de leurs contrats. Ils cotisent moins longtemps pour une durée d’indemnisation plus longue. Résultat : ce régime est structurellement en déficit, donc régulièrement accusé de « creuser » le trou de l’assurance-chômage.
UN « TROU » D’UN MILLIARD D’EUROS
Mercredi 12 février, le Medef a proposé de supprimer purement et simplement le régime des intermittents, en s’appuyant sur un rapport de la Cour des comptes qui déplore « un déficit chronique » évalué à plus d’un milliard d’euros par an.
Ce chiffre, explicité dans le rapport public annuel 2012, est obtenu par un calcul rapide : les 254 000 salariés inscrits à l’annexe VIII (techniciens, cadres et ouvriers du spectacle vivant et de l’audiovisuel) et à l’annexe X (artistes) versent des cotisations s’élevant à 232 millions d’euros. En parallèle, les salariés indemnisés (106 000) reçoivent 1, 263 milliard d’euros de prestation. Le solde financier est donc fortement négatif : – 1,031 milliard en 2010.
Ce déficit est pourtant “logique”, dans la mesure où le système d’assurance-chômage repose sur la solidarité entre travailleurs et demandeurs d’emploi. Les employés en contrat à durée indéterminée (CDI), dont le régime est bénéficiaire, paient pour les autres : contrats à durée déterminée (CDD), intérimaires et intermittents.
Le calcul opéré par la Cour des comptes pour isoler le déficit des seuls intermittents peut ainsi être appliqué à d’autres catégories, par exemple, les seuls CDD.
Ainsi, dans un rapport paru fin 2013, la Cour dénonce une hausse du nombre d’emplois précaires en période de crise, qui ne touche pas seulement les intermittents. Résultat, dans les comptes de l’assurance-chômage, le déficit le plus lourd provient des salariés en CDD : 5,592 milliards d’euros, et celui des intérimaires s’élève à 1,464 milliard d’euros.
UN CALCUL CONSIDÉRÉ COMME SIMPLISTE
Mais, au sein de l’Unedic, l’association paritaire qui gère l’indemnisation des chômeurs, ce mode de calcul est considéré comme simpliste. Car, abroger le régime des intermittents ne ferait pas disparaître les salariés du spectacle, qu’il faudrait bien continuer à indemniser entre deux contrats.
Vincent Destival, directeur général de l’Unedic, a sorti sa calculatrice, et s’est lancé dans des simulations complexes, détaillées dans le rapport parlementaire de 2013 sur l’emploi dans le secteur artistique présenté par le député Jean-Patrick Gille.
Aujourd’hui, les règles de calcul du régime des intermittents leur sont favorables : ils ne doivent cotiser que 507 heures sur dix mois pour être indemnisés durant huit mois, alors que les autres salariés doivent cumuler 610 heures sur 28 mois pour obtenir des allocations biens moins longues (un jour par journée travaillée).
Donc dans l’immédiat, une grande partie des salariés du spectacle (48 %) devraient attendre d’avoir cumulé davantage d’heures pour ouvrir leurs droits. Pour les autres, la durée d’indemnisation serait fortement réduite « dans une proportion pouvant aller jusqu’à 50 % ». Une grande économie, donc, à première vue.
PLUS FAVORABLE POUR LES CONTRATS DE TRÈS COURTE DURÉE
Toutefois, l’indemnisation à l’issue des contrats de très courte durée, très fréquents dans le secteur du spectacle, est plus favorable que celle des contrats longs. Le montant de l’allocation journalière moyenne des salariés du spectacle augmenterait alors nettement : 81 euros, contre 58 aujourd’hui.
Enfin, dernière particularité : le taux de cotisation des intermittents est supérieur à celui des autres salariés. En revenant au régime général, il passe de 10,8 % à 6,4 %. Pour 2011, cela reviendrait à 143 millions d’euros au lieu de 242 millions.
Selon les estimations de l’Unedic, supprimer le régime des intermittents aurait entraîné, en 2011, une baisse de 420 millions d’euros des prestations versées, mais aussi un recul de 100 millions d’euros des cotisations encaissées. Le surcoût s’élève alors à 320 millions d’euros.
Pas de miracle : le régime des intermittents restera toujours déficitaire. Mais le « trou » calculé par l’Unedic est trois fois moins abyssal que ne le proclament ses détracteurs. Par ailleurs, comme le note le député Jean-Patrick Gilles, aucun calcul n’a pris en compte le coût des intermittents exclus du régime général, qui pourraient prétendre au revenu de solidarité active.
Anne-Aël Durand
Journaliste au Monde
http://www.lemonde.fr/culture/article/2014/02/26/le-regime-des-intermittents-coute-t-il-un-milliard-d-euros_4373187_3246.html
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