Y’en a marre des magouilles de Serge Dassault
Posté par ippolito le 3 avril 2014
Les millions baladeurs de Dassault
La justice s’intéresse à la gestion de l’usine de Corbeil dans laquelle Serge Dassault a mis 40 millions d’euros. Une nouvelle tuile pour le sénateur-patron de presse, qui vient de perdre son immunité.
En décembre 2010, Serge Dassault plastronnait dans Le Monde. «Sans moi, se rengorgeait l’ex-maire UMP de Corbeil et futur déchu de son immunité sénatoriale, Altis, une entreprise qui emploie plus de 1000 personnes sur la ville, n’aurait pas été sauvé.» Altis, c’est l’usine de composants électroniques, le plus gros employeur de l’Essonne, dont il fallait éviter la déroute, qui fut donc rachetée en urgence en 2010 avec le soutien de Dassault et de Sarkozy par l’un des affidés de celui-ci: Yazid Sabeg, dont Charliedévoilait les soucis fiscaux la semaine dernière, ancien commissaire à la Diversité et patron de CS, une société spécialisée dans l’informatique de défense. Un grand pote du milliardaire avionneur.
Dans cette interview, Dassault commettait un demi-mensonge: «J’ai convaincu Yazid Sabeg, commissaire à la Diversité et à l’Égalité des chances, d’investir 40 millions d’euros.» Ce que le financier hasardeux des électeurs de Corbeil ne disait pas, c’est que les 40 millions en question étaient les siens ! Dans les documents légaux d’Altis, on ne trouve pas trace du sénateur, uniquement des mots pudiques désignant un «investisseur privé». Mais, en réalité, comme L’Express l’a écrit, Dassault a avancé le fric. Et il s’est montré généreux: le prêt a été fait à des conditions ultra-avantageuses (2% d’intérêt les cinq premières années, 3% ensuite, le tout remboursable à quinze ans et les intérêts réglés à la dernière échéance). Le banquier rêvé, mais qui n’existe pas dans la vraie vie…
COMPTE LIBANAIS
Le souci, c’est que la justice est en train de mettre son nez dans tout ça. Le parquet de Paris a ouvert en 2013 une enquête préliminaire pour abus de biens et de pouvoirs sociaux, comme Charlie peut le révéler, concernant les deux sociétés chapeautant l’usine, Altis International et Ysi Capital. Toutes deux créées en mars 2010, elles sont présidées par Yazid Sabeg et sont installées à Paris. Ysi a comme directrice générale la femme du patron, Ingrid, d’où l’acronyme. C’est la holding qui a reçu le chèque de Dassault. Sa filiale Altis International a donc investi dans l’usine ces 40 millions ainsi que des fonds qataris et 12 millions d’une société malaisienne, New Almaytech, qui est entrée au capital. Elle a aussi négocié des financements publics.
La justice semble se demander si Yazid Sabeg n’aurait pas agi, en tant que président et associé de ses deux boîtes, contre leur intérêt. Il est trop tôt pour savoir si l’hy- pothèse sera vérifiée ou infirmée, mais Sabeg a déjà été entendu par la brigade financière en octobre 2013. Impossible de savoir ce qu’il pense de tout ça: il n’a pas répondu à notre SMS, et son avocat n’a pas donné suite à notre mail.
Quelles sont les opérations susceptibles de poser souci? Peut-être s’agit-il de la caution donnée par Altis en échange de prêts bancaires destinés à l’usine (21,4 millions d’euros), que la boîte a eu du mal à rembourser, et qui n’était pas inscrite ni provisionnée dans les comptes? Ou d’un remboursement d’un emprunt de 20 millions, dont les intérêts n’auraient pas été payés à temps? Ou peut-être est-ce le beau salaire de «384000 euros» par an que Sabeg s’est octroyé à partir de décembre 2010? Les premiers statuts de la société stipulaient que «les fonctions de président sont gratuites», mais ils ont rapidement été modifiés. Les salariés d’Altis, qui connaissent de plus en plus le chômage partiel, apprécieront. Car si l’entreprise a gagné de nouveaux clients, la courbe d’activité, en baisse de 30% en 2012, peine à remonter.
Quels que soient les résultats de cette enquête, les investigations auront des conséquences pour Serge Dassault lui-même, victime éventuelle ou pas. Il lui faudra expliquer quelle est l’origine des millions prêtés à Sabeg pour sauver l’usine de Corbeil: de sa cassette personnelle ou des caisses de son groupe? Allez savoir, ils pourraient même provenir de comptes au Liban, tout comme le fric filé à des jeunes et destiné — c’est du moins la piste sur laquelle travaille la justice — à acheter des voix aux élections. L’enquête pourrait même chambouler les municipales à Corbeil, où se représente le maire sortant, le bras droit de Dassault, Jean-Pierre Bechter, en dépit de sa mise en examen. Rudi Roussillon, porte-parole du sénateur, n’a pas répondu à la sollicitation de Charlie. Mais puisqu’il se dit heureux d’être délivré de son immunité, Dassault n’en a pas fini avec les enquêtes.
Laurent Léger, article paru dans Charlie Hebdo n°1131 du 19 février 2014
http://www.charliehebdo.fr/news/altis-dassault-1151.html
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