Y’en a marre du traitement des riches hommes d’affaires
Posté par ippolito le 25 juillet 2012
Les impôts du milliardaire sarkozyste fondent avant la présidentielle
L’homme d’affaires Alain Duménil, fondateur d’Occident, a bénéficié d’étranges protections du pouvoir sarkozyste, au point qu’il a réussi à réduire ses dettes fiscales de plus de 50 millions d’euros. Hollande a du boulot contre le capitalisme outrancier…
àl’entendre, Nicolas Sarkozy n’aurait jamais été le «président des riches». Il faudrait pourtant qu’un jour il explique comment, pendant son quinquennat, l’homme d’affaires Alain Duménil a réussi à passer entre les gouttes.
Des juges, d’anciens associés, des partenaires en affaires, des salariés déposent plainte contre lui ou lui demandent réparation, et cet ancien banquier continue son activité comme si de rien n’était. Cet ex d’Occident est mis en cause dans une multitude de procès visant sa gestion et ses pratiques en affaires.
Surtout, en développant son business dans le luxe (Scherrer, Smalto, Féraud, Fath, les chaussures Kélian…), l’immobilier, le pétrole et la sous-traitance aéronautique, il a accumulé une dette fiscale de 82 millions d’euros, qu’il a réussi à faire fondre de près de 54 millions. C’est au cours d’une audience, le 3 mai dernier, que ses créanciers ont appris la bonne nouvelle. Pour lui, s’entend…
Comment une telle «proposition définitive de rectification» a pu être proposée par le fisc, le 9 janvier 2012, à quelques mois de la présidentielle, à un homme d’affaires condamné par le tribunal de Valence pour avoir organisé la faillite frauduleuse de Kélian, laissant 150 salariés sur le carreau, un jugement confirmé en appel quelques jours plus tard et prononçant une peine d’un an de prison avec sursis et de 75 000 euros d’amende pour «complicité de banqueroute par détournement d’actifs»? Mystère. Mais comment ne pas y voir un coup de pouce suspect du pouvoir en place? L’affaire mériterait en tout cas d’être creusée par la justice.
dépeçage et siphonnage
Un document rédigé par son propre avocat, Maurice Lantourne, est néanmoins explicite sur les faveurs fiscales dont notre homme a bénéficié, comme Charlie a pu le constater. Il concerne l’une des anciennes sociétés de son pôle immobilier, FIG, aujourd’hui liquidée, et mentionne quatre créances des impôts pour un montant s’élevant à 61,9 millions, respectivement ramenées à un peu plus de 8 millions d’euros. Sachant que le pôle luxe de Duménil est, par ailleurs, débiteur du fisc pour quelque 20 millions d’euros, son ardoise totale a fondu de 81,9 à 28 millions. Un miracle que peu de Français en délicatesse avec leur feuille d’impôts peuvent espérer…
Curieusement, Alain Duménil publie des chiffres légèrement différents. Que dit le rapport 2011 de son groupe Acanthe Développement à propos de son ancienne filiale FIG (lire ci-dessous)? Il évoque des créances qui s’élevaient à l’origine à 54,35 millions d’euros, soit 7,5 millions de moins que dans les conclusions de l’avocat à l’audience du 3 mai. Histoire de rassurer les actionnaires? Sollicité à plusieurs reprises, l’avocat de Duménil n’a pas donné suite à la demande d’éclaircissements de Charlie.
Particulièrement secret, Alain Duménil est un habitué des coulisses du pouvoir, où il fréquente la droite dite «décomplexée». Que venait faire dans ses locaux Brice Hortefeux, le vieux copain de Sarko, voilà quelques semaines? Pourquoi, se demande un témoin, la femme d’Hortefeux passait-elle son temps chez le bijoutier Poiray, l’une des marques détenues par Duménil? Probablement pour acheter quelques beaux bijoux au prix fort? Pourquoi la femme de celui qui était alors ministre de la Justice, Dominique Perben, a-t-elle bénéficié de vêtements à prix bradés du couturier Smalto, autre propriété du milliardaire, comme l’avait raconté Le Canard en 2006? Quant à son ami Madelin, il est toujours dans les parages, puisqu’il figure au conseil d’une de ses boîtes.
Assisté d’un vrai petit «génie fiscal», selon un avocat qui lui mitonne des montages de sociétés tellement embrouillés qu’ils laissent pantois, Duménil a pris la tête au fil des ans d’un groupe toujours plus gros. Mais à quel prix! «Son objectif, résume un ancien de ses cadres, c’est de reprendre des boîtes à la casse, les payer une misère, ponctionner les actifs en se débarrassant du passif et les faire vivoter jusqu’à qu’un gogo les lui rachète.»
Tel un vrai Bernard Tapie — ils ont d’ailleurs le même conseil —, Alain Duménil semble être passé maître dans les reprises et restructurations d’entreprises, recourant à toutes les ficelles permettant le dépeçage d’une boîte et la revente des beaux morceaux, le siphonnage de sa trésorerie, le pompage des subventions, la dilution des associés dont on voudrait se débarrasser…
Le recours à une holding belge et à des cascades de sociétés, dont certaines dans les paradis fiscaux, lui-même étant résident en Suisse, permet toutes les audaces… L’intéressé se balade même dans une voiture portant plaque diplomatique de Madagascar. Histoire de gagner une immunité?
Le milliardaire, pas à l’abri d’une provocation, s’est même permis de duper la DGSE. Oui, les services secrets ! L’argent des fonds spéciaux, placé dans une holding commerciale afin de fructifier en attendant d’être utilisé pour on ne sait quelle mission, avait été injecté dans un groupe de luxe qui fut repris par Alain Duménil en 2002.
Quelque 23 millions investis, dilués immédiatement par quelques tours de passe-passe. «Duménil a tenté de rouler la DGSE, mais après des années de procédure il a été condamné par la cour d’appel», souligne un avocat. Le problème, c’est que l’intéressé n’exécute pas les peines qui ont été prononcées, «oubliant» de payer les amendes…
Plus c’est gros, mieux ça passe, doit se dire notre homme. La preuve, c’est qu’en dépit de ce lourd CV il a quand même réussi à décrocher une subvention de 10 millions d’euros en décembre 2011 par le FSI, la tirelire mise en place par Sarkozy censée venir en aide aux entreprises bousculées par la crise.
Une aide filée d’un côté, des impôts effacés de l’autre… Voilà comment les riches hommes d’affaires étaient traités sous Sarkozy!
Article paru dans Charlie n°1039 du 16 mai 2012
laurent.leger@charliehebdo.fr
http://www.charliehebdo.fr/enquete.html#586
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