Y’en a marre des fraudes à la TVA sur les quotas de carbone
Posté par ippolito le 6 février 2013
2 milliards d’ euros de fraudes à la TVA sur les quotas de carbone
Des centaines de millions d’euros escroqués à l’ Etat, des policiers compromis, des institutions défaillantes au plus haut niveau. 10 juges d’instruction mobilisés, des enquêtes fleuves et, après plus de 3 ans d’efforts… quelques lampistes arrêtés.
Décidée le mois dernier, la fermeture du marché Bluenext, où s’échangeaient les quotas de carbone, a tenu lieu d’épilogue à la plus vaste affaire de fraude à la TVA qu’aient connu la France et l’ Europe.
Selon les experts, de 2008 à 2009, notre Trésor Public y a perdu entre 1,6 et 2 milliards d’euros, la Grande-Bretagne presque autant, l’ Allemagne près de 1 milliard, etc. Les modérés chiffrent l’addition finale entre 5 et 10 milliards, les pessimistes l’estiment 2 fois plus lourde.
Bruxelles, qui a lancé l’activité d’échange des quotas de carbone en 2005, a oublié de doter l’ensemble d’un système de régulation. Ainsi, n’importe quelle petite entreprise, même non soumise aux quotas de carbone, a accès à la Bourse, moyennant de très simples formalités.
La recette a vite été mise au point par les fraudeurs: une boîte, créée pour l’occasion, achète ( à l’étranger, discrétion oblige) des quotas de CO2. Hors TVA, puisqu’elle n’est pas l’utilisateur final.
Avant de les revendre sur Bluenext en facturant la TVA, qu’elle ne reversera jamais, alors qu’elle en a l’obligation. Et, lorsque l’ Etat réclame à ladite boîte la TVA empochée sur ses transactions, celle-ci a disparu et ses dirigeants aussi.
Sans être toujours lié au crime organisé, les fraudeurs de TVA travaillaient le plus souvent entre membres d’une communauté: Pakistanais en Grande-Bretagne, Géorgiens à l’ Est, Juifs séfarades en France, épaulés par des gros bras du milieu maghrébin ou gitan. Si leurs méthodes n’avaient rien d’aimable, leur style était parfois pittoresque.
L’un deux, placé sur écoute par la police, a été enregistré alors qu’il téléphonait à un rabbin pour lui demander si son business était casher ! Réponse: un non catégorique. Devant le tribunal, un autre a osé cette image pour décrire ce trop tentant marché du carbone: “C’était comme laisser les clés sur une Ferrari garée à La Courneuve. Elle n’aurait pas tenu une heure.”
Certains ont donné des noms colorés à leurs éphémères sociétés: Carbonara, Shadow Company, Déjà Vu, I Vanish ( “Je disparais”)… Pourtant, l ‘affaire ne prête pas toujours à sourire: depuis 2009, 4 meurtres, selon les enquêteurs, ont émaillé ces trafics de quotas.
Débordée par le nombre d’affaires, d’acteurs et de sociétés, réelles ou fictives, créées aux quatre coins du globe, la justice s’essouffle, n’arrêtant pour l’essentiel que des intermédiaires et des hommes de paille. Les autorités des pays étrangers ( Israël, Dubai, Pakistan) dans lesquels l’argent et une partie des cerveaux de la fraude à la TVA se sont envolés ne brillent pas par leur coopération.
Mais l’ Etat français lui-même déploie une énergie qui ne risque pas de réchauffer la planète. Actionnaire à 40% de Bluenext ( le reste étant détenu par la Bourse Euronext) et chargée de gérer le registre des “négociants” de quotas, la Caisse des dépôts, bras armé financier de la République, est accusée par plusieurs juges de manque de vigilance.
Elle a pourtant alerté à plusieurs reprises Tracfin, cellule de lutte contre le blanchiment. Celle-ci, après une vingtaine d’alertes, a attendu avril 2009 avant de saisir le parquet de Paris.
3 mois plus tôt ( au plus fort de l’escroquerie), Augustin de Romanet, secrétaire général de la Caisse, écrivait à Eric Woerth, ministre du Budget, pour lui suggérer de supprimer la TVA sur les transactions de carbone en raison d’un “risque de fraude très élevé sur le marché“. Après 5 mois de réflexion ( et quelques centaines de millions supplémentaires détournés), le ministre s’exécutera, mettant fin au trafic français.
Si les douanes ont été très actives aux côtés des juges, quelques policiers ont fait preuve d’étranges indulgences. Au nom, ont-ils dit, du rôle d’indic de certains truands. Des scellés ont bizarrement disparu, un gros bonnet, arrêté à Dubai, a été relâché précipitamment. Et le commissaire Neyret, révoqué pour enrichissement injustifié, était très proche de gros fraudeurs au CO2.
Quant au ministère des Finances, il a été sévèrement mis en cause dans le rapport de 2012 de la Cour des comptes. Celle-ci chiffre le détournement à 1,6 milliard au minimum. Et souligne, notamment, le “manque d’anticipation” de la Direction nationale des enquêtes fiscales.
Mais Bercy ne s’est pas donné la peine de répondre aux objections et questions écrites du rapport. Bilan: aucune négligence n’a, pour l’instant, été sanctionnée dans la haute administration. Excès de CO2 ou pas, on n’y manque jamais d’air.
Source: le canard enchainé
http://www.observatoiredessubventions.com/2013/2-milliards-d-euros-de-fraudes-a-la-tva-sur-les-quotas-de-carbone/
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